La campagne européenne des villes durables : le temps de l'expérimentation

L’amorce d’une politique européenne en matière de développement urbain durable a pour point de départ la parution du Livre Vert sur l'environnement urbain. Ce livre cristallise une prise de conscience et opère deux remises en question :

La décision est prise par la commission européenne de susciter un large échange d'expériences, susceptible de conduire à des progrès concrets, en diffusant l'information sur les pratiques de développement durable local : la Campagne européenne des villes durables, lancée en 1994 dans la ville danoise d’Aalborg, en sera le cadre. L'expérimentation et la mise en réseau sont préférées à une approche réglementaire, qui n’est adaptée ni à la diversité des situations urbaines ni au principe de subsidiarité, qui veut que les politiques urbaines soient la prérogative des États. Les solutions en matière de développement urbain durable n’existent pas, elles sont à inventer. Les villes seront mises à contribution pour construire ces nouveaux savoirs et savoir-faire. La campagne aide à leur capitalisation et leur diffusion au fur et à mesure des retours d’expérience.

L'adhésion à la campagne connaît dès ses débuts une progression rapide et inattendue : 67 collectivités en 1994, 250 en 1996, 650 début 2000, 1750 début 2003, plus de 2500 en 2006 (lien externe http://www.aalborgplus10.dk/). 42 pays y sont représentés, en débordant les frontières de l’Europe. La France reste peu impliquée dans ce réseau, qui joue un rôle important de soutien et d’émulation entre les villes.

Si l’on tente un bilan de ce qui a été réalisé concrètement depuis une dizaine d’années, on peut identifier quatre registres d’action. Le premier est celui des agendas 21 locaux, c’est-à-dire des plans locaux de développement durable, dont le contenu et l’opérationnalité varient fortement. On en recense plusieurs milliers en Europe (lien externe http://developpementdurable.revues.org/document532.html). Des vagues successives d’agendas 21 ont pris forme dans les pays européens, de 1994, au Royaume-Uni, à nos jours, pour la France. Les agendas 21 sont surtout des instruments de sensibilisation, de débat public, ils constituent l’amorce d’une démarche de développement durable avant que le relais ne soit pris par les différents services de l’urbanisme, des transports, des espaces verts, etc. Ceux qui perdurent sont souvent des lieux d’initiatives habitantes et associatives, qui développent des projets démonstratifs visant à modifier les comportements, les modes de consommation, à appuyer l’économie locale ou solidaire, à engager les entreprises dans une prise de responsabilité, etc. Certaines démarches d’agenda 21 se professionnalisent et deviennent des stratégies thématiques portées à part entière par les services des collectivités. La plupart n’obtiennent pas d’appui politique et financier suffisant pour infléchir les politiques urbaines.

Les trois autres registres d’action sont les politiques énergétiques face au défi du changement climatique, l’éco-construction et la planification, pour limiter l’étalement urbain, sans doute l’enjeu le plus complexe. Les transports et l’urbanisme sont deux préoccupations que le développement urbain durable a réussi à souder. Villes à courtes distances, densification ou resserrement urbain, recyclage des friches, mixité des fonctions, polycentrisme, étoiles ferroviaires, trames vertes, biodiversité urbaine : tous ces principes s’articulent et trouvent ici et là des applications, sans inverser globalement les tendances, ce qui nécessiterait des arbitrages politiques bien plus volontaristes.