La biodiversité, cadre et composante de la vie humaine

Le concept de biodiversité est né il y a à peine une vingtaine d’années. Le terme de diversité biologique a été proposé en 1980 par le biologiste américain Thomas Lovejoy, tandis que le terme biodiversité est utilisé pour la première fois dans une publication en 1988, par l’entomologiste E.O. Wilson.
En dépit de leur caractère récent, les deux concepts ont été rapidement adoptés par la communauté scientifique et par l’ensemble des acteurs concernés par le monde du vivant. La question de la protection de la biodiversité a ainsi occupé une place centrale au Sommet Planétaire de Rio de Janeiro, en 1992. A cette occasion, dirigeants de 150 pays ont signé la Convention pour la Diversité Biologique. Aujourd’hui, 188 pays ont ratifié cette Convention (Barbault et Chevassus-au-Louis, 2005).
Selon le texte de la CDB, la biodiversité comprend la « variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes » (CDB, 1992). En d’autres mots, la biodiversité représente la diversité des êtres vivants et des écosystèmes dans lesquels ils vivent.
Outre les divergences qui persistent en ce qui concerne la définition et les usages du terme, à l’intérieur et entre les diverses disciplines scientifiques (Moreau, 2005), il est généralement reconnu que toute approche d’évaluation (ex. : des risques pour la biodiversité) doit rendre compte des interactions entre la biodiversité et les sociétés et les économies humaines.
Pour appréhender ces interactions, Hueting proposait, dans les années 1970, le concept de fonction environnementale (aussi appelé service de l’écosystème ou service environnemental (Daily, 1997, MEA, 2003)), qui exprime l’habilité des catégories de la biodiversité (à tous ses niveaux : génétique, de l’espèce, de l’écosystème) d’accomplir des services qui contribuent au bien-être humain (directement et indirectement). L’utilisation de ce concept permet des réponses claires à la question : Pour quoi la perte de biodiversité suscite-t-elle la préoccupation ?
Au fil du temps, ce concept s’est avéré un outil méthodologique très pratique pour l’analyse intégrée des relations système socio-économique - biodiversité, comme le démontre son utilisation dans des cadres d’analyse différents, tels que celui de l’Identification du Capital Naturel Critique (Ekins, 2003, Ekins et al., 2003), de l’Evaluation de la Vulnérabilité des Services Environnementaux (Schröter et al., 2004, 2005, Metzger et al., 2006) ou des composantes pédagogiques intégrées aux Outils d’Aide à la Délibération (Jardin Virtuel de la Biodiversité, 2006).
Plusieurs classifications des services environnementaux ont été proposées. Ainsi, Noël et O’Connor (1998) ont identifié cinq classes de fonctions environnementales :

Cette classification recoupe partiellement la classification qui a été proposée plus récemment par Millenium Ecosystem Assessment (MEA, 2003), dans son évaluation à l’échelle mondiale des services offerts par les écosystèmes et de l’influence de leurs changements sur les sociétés humaines :

Ces classifications mettent en évidence la pluralité des types de valeurs de la biodiversité, aussi bien d’usage (la valeur des services Source peut souvent s’exprimer par des prix, sur les marchés) et de non usage et intrinsèques (la valeur des services Support, Régulation et Culturels ne peut pas être saisie par les marchés).
Les résultats des études montrent que, à l’échelle mondiale, la dégradation de la plupart des services environnementaux est importante. La perte de services environnementaux s’accompagne souvent du déclin du bien-être des certains groupes sociaux, voire de la pauvreté (MEA, 2005). Dans l’Union Européenne, les services les plus fréquemment touchés sont la fourniture d’aliments et d’eau potable, les services de purification et de régulation des eaux, de contrôle de l’érosion, ainsi que les services culturels. Leur dégradation ou perte se traduit par des dégâts sociaux (ex. : conflits) et financiers (Kettunen et ten Brink, 2006).