Le projet de Lignes à Grande Vitesse du Sud-Ouest (GPSO)

Le modèle français de grande vitesse ferroviaire a-t-il un avenir ?

Comme le montre cet extrait d'un article de Pierre Recarte, membre du CADE, les associations opposées au projet de LGV GPSO s'appuient largement sur des rapports publics récents remettant en cause l'opportunité de nouvelles lignes à grande vitesse, et plus généralement, le modèle français de la grande vitesse :

« Dès 2008, la Cour des comptes s'inquiète du « lancement de nombreux projets dont la rentabilité socio-économique est insuffisante » d'autant « que les bilans a posteriori mettent en évidence une rentabilité en général bien plus faible qu'espérée initialement ».

En 2011, Hervé Mariton met en garde l'État sur les « conséquences négatives pour l'équilibre financier du système ferroviaire » des investissements dans de nouvelles LGV.Louis Nègre rapporteur au Sénatappelle à renoncer aux réseaux futurs pour concentrer les efforts sur le réseau existant.

Les assises du ferroviaire de 2011 concluent : « Devant les fortes incertitudes sur la rentabilité des futures LGV de reconnaître la rénovation du réseau comme une priorité absolue » et de « suspendre toute nouvelle opération de développement »

En 2012, la Cour des comptes dénonce des méthodes d'évaluation socio-économique et financière « insuffisamment transparentes » et conseille « une contre-expertise des principaux projets indépendante des maîtres d'ouvrage. »

En 2013, le rapport Auxiette souhaite sortir « de cette logique du toujours plus vite ». Jean-Louis Bianco préconise des « trains circulant à 200 km/h, sur les voies existantes et offrant un niveau de service de très bonne qualité ». Le rapport Mobilité 21 confirme que les LGV sont « des projets extrêmement coûteux et d'une efficacité socio-économique controversée [...] une modernisation de l'existant permet souvent d'atteindre une performance quasi équivalente à celle d'une infrastructure nouvelle, pour un coût et une empreinte écologique bien inférieurs.»

Le rapport de la Cour des comptes publié en 2014 (pendant l'enquête publique sur le projet GPSO), et intitulé "La grande vitesse ferroviaire: un modèle porté au delà de sa pertinence", renforce un peu plus cette analyse d'un modèle économique à bout de souffle qui ne peut plus financer la construction de nouvelles lignes à grande vitesse, sinon au détriment de l'entretien du réseau existant:

« Les Français dans leur ensemble, clients du TGV comme décideurs politiques, souhaitent la poursuite de l'agrandissement du réseau (au-delà même des quatre lignes en cours de réalisation), au motif que la grande vitesse ferroviaire contribuerait à l'égalité entre les territoires, et favoriserait le développement économique tout en respectant l'environnement. Comme exposé dans ce rapport, ces affirmations sont à nuancer fortement. Mais, il n'est aujourd'hui plus possible de poursuivre une politique de « tout TGV » a fortiori si l'on entend entreprendre parallèlement une rénovation accélérée du réseau classique, tant il est désormais avéré que ce dernier a été négligé pendant 30 ans et réclame désormais, pour une mise à niveau, des investissements incompatibles avec la poursuite du développement des lignes à grande vitesse.

Cette impossibilité tient à plusieurs raisons dont la contrainte budgétaire n'est pas la seule. S'il est vrai que l'on rénove quinze kilomètres de lignes classiques pour le coût d'un seul kilomètre de LGV nouvelle, il est non moins vrai que les LGV en construction ou projetées sont de moins en moins rentables. C'est en partie le résultat du développement de la participation financière, de plus en plus déterminante, des collectivités territoriales. Pour bienvenus qu'ils soient, ces apports suscitent le plus souvent en contrepartie des arrêts supplémentaires qui, en réduisant la vitesse moyenne, réduisent à due concurrence l'intérêt et la rentabilité de la ligne. »

Ces difficultés mises en avant dans ces différents rapports ont été illustrées par la difficulté à aboutir, en 2016, au bouclage du financement de la nouvelle ligne Tours-Bordeaux, qui doit pourtant être mise en service en 2017 :

"En faisant payer 48 collectivités locales, on a fait croire que le TGV était un TER et que tout le monde pourrait avoir sa desserte. C'est impossible " souligne Alain Vidalies. Les 7,8 milliards d'euros du projet sont financés par l'Etat et les collectivités locales à hauteur de 3 milliards d'euros, SNCF Réseau (ex-RFF) pour 1 milliard, et le reste par Lisea [le concessionaire, dont Vinci est le principal actionnaire]. Une contribution a été demandée aux collectivités locales pour la moitié du financement public, qui vont donc débourser 1,5 milliard d'euros. Mécontentes des prévisions de dessertes, jugées trop peu nombreuses, certaines avaient suspendu leurs financements. » (AFP Publié le 15/03/2016 | 16:06, mis à jour le 15/03/2016 | 16:06)

Le nombre de trains devant circuler sur la nouvelle ligne a fait l'objet d'un bras de fer entre la SNCF et Vinci (actionnaire principal de LISEA). La première souhaitant limiter le nombre d'aller-retour Bordeaux-Paris directs à 13 pour éviter de faire des pertes, et la seconde (soutenue par les élus locaux) escomptant au minimum 19 aller-retour pour pouvoir financer ses investissements. Le nombre est finalement de 18,5, la SNCF « estime qu'elle va perdre au minimum 150 millions d'euros par an ».

Ces questions de financement se posent aujourd'hui sur le projet GPSO. Les partisans du projet étaient réunis au printemps 2016 dans un colloque organisé par Eurosud Transports et consacré à cette question : « Innover pour financer les grandes infrastructures du Sud-Ouest Européen ». Les discussions ont aboutis aux conclusions que :

  • « Les collectivités de Midi-Pyrénées qui ont vu leurs ressources baisser de façon conséquentes ne pourront pas financer la LGV Bordeaux-Toulouse sur les bases qui avaient été envisagées en 2008 »

  • Il n'est pas souhaitable de renouveler le mode de financement de la ligne Tours-Bordeaux consistant à mobiliser des financements de nombreuses collectivités locales. (cf ci-dessus)

  • SNCF Réseau (ex-RFF), ne financera pas ce nouvel investissement  « SNCF Réseau, qui compte 42 milliards d'euros de dette, ne financera plus à l'avenir les nouvelles lignes. » (Alain Vidalies, secrétaire d'Etat chargé des transports, dans Le Monde du 15 mars 2016)

  • « Il faut allonger la durée des emprunts pour qu'ils soient en adéquation avec la durée de vie de l'infrastructure. »

  • « D'autres ressources pourraient être trouvées. Philippe Duron, Président de l'Agence de Financement des Infrastructures de Transport de France (AFITF) l'a expliqué : 2 centimes prélevés sur le gazole ont rapporté en 2015 à l'AFITF plus d'un milliard d'Euros et « sans douleur » grâce à la baisse du prix des hydrocarbures. Si l'on décidait de passer à 3 ou 4 centimes, cela augmenterait d'autant les capacités d'investissement de l'AFITF. C'est la question de la fiscalité écologique, à laquelle Alain Rousset et Carole Delga sont favorables. Les régions travaillent à la création d'une taxe sur les poids lourds en transit international, particulièrement pertinente dans le grand sud qui voit passer 20 000 poids lourds chaque jour au droit des Pyrénées. Cela implique une modification de la loi en France mais la présidente de la Région LRMP s'est déclarée prête à intervenir dans ce sens.

  • " Il faut utiliser à plein les nouveaux instruments financiers de l'Europe, de la France, mais aussi des investisseurs privés et des fonds souverains afin que les différents projets voient le jour le plus rapidement possible. La présidente Carole Delga a annoncé une rencontre avec le Chef de l'Etat sous 10 jours pour demander la réunion du comité des financeurs de la LGV Bordeaux-Toulouse ainsi qu'un déplacement à Bruxelles fin avril pour travailler avec la BEI et la Commission européenne sur les financements européens. "

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