Les règles de responsabilité civile
Concrètement, les victimes se retournent vers le ou les responsable(s) pour leur demander une indemnité financière à hauteur du dommage subi en cas de sinistre. En cas de conflit, les parties peuvent avoir recours à une juridiction civile qui tranchera.
Ces règles ont évidemment l’équité vis à vis des victimes pour premier objectif. Mais elles incitent également à la prévention. Le responsable d’un dommage potentiel va définir sa politique de prévention en intégrant la perspective d’avoir à payer pour les dommages qu’il aura provoqués.
Le Principe Pollueur Payeur est une règle de responsabilité en matière de sinistres environnementaux. Tel qu’il est défini par l’article Article 200-1 de la Loi Barnier, il stipule que le pollueur doit financer l’intégralité des dépenses de prévention et de réparation. Mais il exclut de son champ l’indemnisation financière des victimes pour des dommages qui n’auraient pas été physiquement réparés. Il n’organise donc qu’une responsabilité limitée et l’incitation à la prévention est alors réduite.
Comme les dommages, la prévention a un coût. Une action publique économiquement efficace doit arbitrer entre ces coûts de prévention et les dommages. Le compromis efficace est celui qui minimise la somme des coûts de prévention et des dommages.
Le principe économique d’internalisation des coûts permet de montrer qu’une règle de responsabilité intégrale conduit à un niveau efficace de prévention. Pour le montrer, prenons l’exemple d’une usine qui peut exploser avec une probabilité égale à 1/1000. Supposons que cette explosion conduirait à un dommage d’un million d’euros sur les habitants résidant autour de l’usine. Le dommage probabilisé est donc de 1000 euros.
Posons l’hypothèse que l’usine dispose de deux solutions de prévention pour diminuer ce risque :
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Elle peut financer des actions de formation des employés à la prévention. Cela coûte 400 euros et permet de diviser par deux la probabilité d’occurrence de l’explosion.
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Elle peut construire une structure de confinement qui divisera par quatre le dommage en cas d’explosion. Cette solution est évidemment plus coûteuse. Nous supposons qu’elle coûte 800 euros.
Pour un régulateur en charge de l’intérêt général, la première opération est intéressante puisqu’elle réduit le dommage de 500 euros alors qu’elle ne coûte que 400 euros. La seconde ne l’est pas puisqu’elle diminue le dommage de 750 euros pour un coût de 800 euros.
Revenons maintenant au comportement de prévention de l’usine. Si l’entreprise doit indemniser les résidants, elle effectuera exactement le même raisonnement que l’autorité publique et ne mettra en œuvre que la première solution. Elle aura ainsi fixé son effort de prévention au niveau efficace.
A ce stade de la discussion, la règle de responsabilité apparaît comme l’instrument idéal permettant de concilier équité et efficacité. Elle présente malgré tout quelques défauts :
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Elle ne peut s’appliquer qu’aux risques pour lesquels il existe un ou des responsables (marées noires, risques technologiques). Cela exclut les risques naturels.
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Même quand il existe, le responsable peut être difficilement identifiable. Qui est responsable du naufrage de l’ERIKA ? L’armateur ? L’affréteur ? L’entreprise ayant certifié le navire ? Ces ambigüités conduisent à alourdir considérablement certaines procédures d’indemnisation.
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Si le dommage est très important, le responsable peut être dans l’incapacité de payer. Certains responsables potentiels peuvent même organiser volontairement leur banqueroute en cas d’accident pour éviter de payer les indemnités. Nous verrons plus loin qu’un système d’assurance obligatoire limite cet inconvénient.
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Elle supprime toute incitation à la prévention chez les victimes potentielles. Or celles-ci ont le plus souvent des moyens de prévention à leur disposition. Par exemple, on peut éviter de construire un pavillon à proximité d’une usine dangereuse.