Usage des SIG

Finalités et objectifs
La composante Sciences de l’information géographique et risques naturels du module « Risques » a, pour objectif, de donner un cadre théorique, conceptuel et méthodologique pour l’utilisation de la géomatique et, plus particulièrement, des systèmes d’informations géographiques (SIG) pour l’analyse des risques naturels et environnementaux en s’appuyant sur un large champ d’exemples et d’applications. Cet enseignement aborde les dimensions multi scalaires, à la fois, globales et particulières de la complexité des processus territoriaux et environnementaux que permet d’embrasser la géomatique au travers du lien SIG – territoire – risques – modélisation, tout autant que les limites de telles démarches.
 

Introduction : sciences de l’information géographique, géomatique et systèmes d’informations géographiques

Bien qu’en apparence sémantiquement similaires, les termes Sciences de l’information géographique (SIGs), géomatique et systèmes d’informations géographiques (SIG) regroupent des disciplines et des champs d’applications différents qui ont en commun la production, le traitement et la figuration de l’information géographique (IG). En d’autres termes, les sciences de l’information géographique, la géomatique, les systèmes d’informations géographiques désignent des objets, des disciplines, des champs d’études et d’applications différents ayant comme objets et/ou dénominateurs communs l’information géographique que ce soient sa production, sa génération à partir de bases de données géographiques et spatiales ou d’images de télédétection, son traitement, ses figurations et ses représentations. Bien que leurs champs disciplinaires se recoupent dans une large mesure sur de nombreux aspects (information géographique, logiciels, etc.), SIGs, géomatique et SIG se définissent et se différencient par rapport à leurs champs d’études, d’utilisations et d’applications : production de données et d’informations spatiales et géographiques, structuration et traitement de l’information, analyse et gestion des risques, modélisation des processus géographiques, identification des dynamiques et des structures territoriales. Les Sciences de l’information géographique, terme générique, rassemble les disciplines ayant attrait aux méthodes et outils produisant, traitant et représentant spatialement et temporellement les données et informations géographiques : télédétections spatiales et aéroportées, photogrammétrie, photo-interprétation, géodésie, SIG, simulation spatiale, cartographie. Les SIGs, comme méthodes et outils de production spatio-temporelle de données géographiques constituent en géographie et en géologie, pour l’essentiel, une des bases informationnelles de l’analyse des risques naturels de par la nécessité de prendre en compte l’espace géographique, le territoire, de spatialiser et de géographier les aléas. Cependant, si le fait de disposer de bases de données géographiques et de méthodes permettant de mesurer, décrire et représenter un ou plusieurs aspects d’un territoire ou d’une portion de l’espace géographique, l’analyse des risques, l’étude des structures, des dynamiques et des processus territoriaux soumis ou liés aux risques se font à partir des outils de traitement de l’information et des modèles géographiques qui sont formalisés grâce aux démarches et méthodologies de la géographie –informatique (géomatique) et implémentés dans des systèmes de stockage, de structuration, de traitement, de modélisation et de représentation de l’information géographique, les SIG. Terme inventé dans les années 1960 par Bernard Dubuisson, la géomatique a pour objets la mesure, l’analyse, la modélisation et la représentation des structures, processus, dynamiques géographiques physiques et humains à la surface de la Terre. Elle utilise, pour ce faire, la télédétection spatiale et aéroportée, les SIG, les bases de données, la géostatistique, l’analyse et la modélisation spatiale, la géovisualisation et la cartographie pour étudier les structures, phénomènes et processus géographiques, souvent complexes et en interactions les uns aux autres. L’emploi de systèmes d’analyses de l’espace géographie et de sa complexité associés au terme, système d’information géographique, permet dans la plupart des cas « d’éclater la complexité d’un phénomène en autant de couches descriptives thématiques et spatiales, de combiner ces couches pour en extraire des informations nouvelles, plus synthétiques et de leur appliquer des requêtes et des traitements d’analyse spatiale de façon interactive » (Prospeck-Zimmermann, 2003). Les SIG constituent, avec la télédétection et la modélisation spatiale, l’un des outils de la géomatique (géographie informatique) pour l’étude des risques naturels et industriels.
 

Pertinence de la géomatique

 

Géomatique, gestion et suivi du risque

La pertinence de la géomatique comme moyen et outil intégrateur et générateur de prévention, d’alerte, de suivi, de modélisation des impacts et des conséquences humaines et matérielles d’un évènement naturel ou industriel, qu’il s’agisse d’un séisme, d’une inondation ou encore d’un glissement de terrain, peut-être analysée dans le cadre des systèmes d’alerte précoce (early warning systems), de la modélisation de l’évolution des territoires et de la constitution de bases de données géographiques en rendant compte du suivi des évènements météorologiques en temps quasi réel, de l’information géographique mise à disposition aux populations et à l’évaluation spatialisée des biens et des personnes atteints. La diversité des approches avec la géomatique comme outil informationnel ou comme démarche spatiale et géographique de prévention et d’analyse des conséquences des catastrophes naturelles rend, à la fois compte, de la multiplicité des risques naturels et industriels auxquels populations et territoires sont assujettis et de la complexité de leurs modélisations. Elle traduit différentes phases de l’analyse, de l’évaluation et de la modélisation des impacts et de leurs conséquences, phases dans lesquelles les outils géomatiques forment le noyau des systèmes de prévention, d’alerte, de suivi et de spatialisation des zones pouvant être affectées et des dégâts. Elle concerne la prévention d’évènements climatiques ou météorologiques, sismiques ou géomorphologiques comme facteurs déclenchant d’une catastrophe naturelle. Elle fait généralement appel aux données de télédétections spatiales météorologiques optiques et radar qui sont corrélées aux stations de mesures au sol et à des modèles prévisionnels mais, également, aux systèmes d’informations géographiques (SIG) avec la préparation de bases de données géographiques et de leur mise à jour (en fonction du niveau et de la vitesse de transformation des territoires) sur des zones identifiées comme présentant un risque potentiel majeur. Le suivi de l’évènement naturel, météo climatique, sismique, géomorphologique ou des conséquences d’un accident industriel sur les populations et l’environnement, tout comme la cartographie de l’intensité et de l’étendue des conséquences et des dégâts, font également appel à la télédétection spatiale et aéroportée, aux SIG et à la modélisation spatiale.
 

Disparité des systèmes d’informations géographiques pour l’analyse et la prévention des risques

Les systèmes participant à la prévention des risques naturels pouvant affecter les territoires et les populations et utilisant les outils et les méthodologies d’analyses géomatiques concernent et comprennent :

La disparité de l’ensemble des systèmes de production et d’informations géographiques dédiés à l’analyse, l’identification de la nature des risques, à la mesure et à la simulation de leur intensité, étendue et conséquences sur les territoires, infrastructures et populations, rend compte de la difficulté et de la complexité du processus d’alerte, de prévention et de gestion. La diversité des risques naturels et les réponses et les études particulières à apporter à chacun reflètent la multiplicité des systèmes géomatiques développés. La multiplicité des systèmes géomatiques est accentuée par la difficulté, voire le plus souvent l’incapacité de simuler de façon générique au niveau particulier les impacts et les étendues d’un évènement sismique ou météorologique au niveau local.
 

Systèmes d’analyse des risques par télédétection spatiale

Mis à part les systèmes de capteurs de mesures de la tectonique mesurant l’activité sismique, la plupart des systèmes géomatiques sont basés sur la télédétection spatiale. Seules données rapidement mobilisables et exploitables à des fins de cartographie des impacts, de mise à jour ou de génération de bases de données géographiques et spatiales sur les territoires susceptibles d’être soumis aux aléas climatiques, de modélisation des transformations des paysages et de l’évolution des reliefs, etc., les images de télédétections optiques et radars permettent de mesurer les conséquences d’un évènement ou d’une catastrophe naturelle. Elles font généralement appel à des données de télédétections hautes résolutions métriques traitées diachroniquement (comparaison des deux à trois images prises avant l’évènement, parfois pendant et après l’évènement) pour évaluer l’étendue et surtout les conséquences d’une crue affectant un centre urbain, par exemple. Les images utilisées sont généralement issues des capteurs satellites Landsat 7 (225 m² dans le panchromatique, 625m² en mode multispectral), Spot 5 (25m² dans le panchromatique, 100 m² dans le domaine multispectral) qui couvrent respectivement des portions de l’espace géographique 34225 km² et de 3600 km² ou encore CartoSat.
La commercialisation d’images très hautes résolutions métriques et submétriques avec Ikonos et KompSat 2 (1m² en mode panchromatique, 16m² en mode multispectral) ou QuickBird 2 (0,37 m² en mode panchromatique) a permis d’affiner la cartographie et les bases de données géographiques utilisées pour la modélisation de l’analyse des risques des habitats et des populations pouvant être touchés, notamment sur les espaces urbanisés et les territoires métropolisés dans lesquels vivent plus de 75% de la population en France. Cependant, les faibles superficies couvertes (de 121 à 225 km²) en font des données particulièrement onéreuses en coût d’acquisition, de traitement et d’exploitation pour l’analyse des risques naturels. L’arrivée de satellites à grande répétitivité et haute résolution, comme Formosat 2, spécialement développés pour le suivi de crises, des catastrophes et d’évaluation des risques, va contribuer à améliorer la dialectique de la mesure, de l’analyse, de l’identification et de la modélisation des risques naturels sur les territoires et les populations et un suivi plus fin avec des pas de temps de prises d’images plus courts. Les faibles surfaces couvertes par les satellites à hautes résolutions spatiales peuvent être complétées par les images à moyennes ou faibles résolutions comme Landsat 7 TM, Spot 5 ou Envisat couvrant des surfaces de 3600 à 422500 km² chaque 3 jours sur une même zone. Les capteurs Envisat dédiés à la surveillance environnementale peuvent couvrir les impacts des catastrophes naturelles à l’échelle régionale.
L’arrivée d’images radars métriques comme Ramses va sensiblement améliorer la précision des modèles géomorphologiques, hydrologiques, les modèles numériques de terrain (MNT) et d’élévation (MNE). Ces données ont l’intérêt de s’affranchir de la couverture nuageuse et de permettre un suivi d’une catastrophe naturelle lors d’un évènement pluvieux. Tout comme les images optiques, elles sont particulièrement efficientes dans l’analyse et la modélisation des risques naturels et dans la simulation des conséquences humaines, environnementales et physiques. Leur efficacité est cependant toute relative dans le domaine de l’alerte précoce, c’est-à-dire, de la probabilité de l’arrivée imminente d’une catastrophe naturelle suite, par exemple, à un évènement pluvieux. Cependant, la qualité des modèles de simulation, obtenue pour une part, avec ces données, permet d’évaluer les possibilités de risques naturels et environnementaux pouvant affecter les populations et les espaces anthropisés. Les trop faibles répétitivités des prises de vues, la complexité, la longueur et les problèmes de reproductibilité des méthodologies de traitement des images satellites en font de mauvais systèmes d’alerte mais d’efficaces méthodes et outils d’analyses précoces et de diagnostic des possibles risques naturels et environnementaux sur un territoire.
Les systèmes spatiaux d’alerte précoce les plus aboutis sur les risques naturels actuellement en service sont les satellites météorologiques et d’étude du climat comme POES, GOES, MétéoSat NG, DMSP ou encore MetOp qui vient d’être mis sur orbite. Leurs hautes résolutions spectrales couvrant de larges fenêtres du spectre électromagnétique sur des surfaces de plusieurs milliers de km²et leurs fréquences de prises de vues (une série d’images chaque 15 minutes avec MétéoSat NG et chaque 30 minutes avec GOES 8) permettent, à la fois, le suivi en temps quasi réel des perturbations, la prévision météorologique et l’étude des interactions des surfaces continentales-climats–atmosphères avec une mise à jour moyenne toutes les 3 heures de la situation météorologique. A titre d’exemple, les satellites météorologiques militaires DMSP de la série F-8 / F-14 embarquent des capteurs optiques visibles et infrarouges, un radiomètre imageur hyperfréquence passif SSM/I (Special Sensor Microwave / Imager) et un sondeur vertical (SSM/T-I (Special Sensor Microwave/Temperature) permettant la mesure à l’échelle mondiale de paramètres de surfaces et atmosphériques comme le contenu de vapeur d’eau dans l’atmosphère, le contenu en eau liquide des nuages et le taux de précipitations, la vitesse (l’intensité) du vent à la surface des mers et océans, l’humidité des sols, la détection des surfaces enneigées et leur contenu en eau, la mesure des concentrations des glaces, l’analyse de l’âge des glaces, etc. Le radiomètre en hyperfréquences passives SSM/I dispose de 7 bandes spectrales travaillant dans 4 bandes de fréquences différentes (DMPS, 2006) couvrant des superficies de 156,25 km² à 1943236 km²
 

Complexité des systèmes géomatiques dédiés à la gestion des risques

 

Multi fonctionnalité des outils géomatiques

L’utilité et, à fortiori, la pertinence de la géomatique, c’est-à-dire, la télédétection, les systèmes d’informations géographiques et les modèles de simulations spatiaux concourant à la modélisation de l’alerte, la détermination des territoires et zones à risques et la modélisation géographique des impacts, peuvent être analysées à cinq niveaux différents de traitement et de gestion de l’information géographique et spatiale.

  1. celui du suivi et de la prévision d’évènements climatiques ou météorologiques, sismiques ou géomorphologiques (early warning systems ou systèmes d’alerte précoce) comme facteurs déclenchant d’une catastrophe naturelle. Elle fait généralement appel aux données de télédétection spatiales météorologiques optiques et radar qui sont corrélées aux stations de mesures au sol et à des modèles prévisionnels.

  2. Celui de la préparation des bases de données géographiques et de leur mise à jour (en fonction du rythme de transformation des territoires) sur des zones identifiées comme présentant un risque naturel potentiel majeur. Généralement mises à jour à partir de données ortho-photographiques ou d’images de télédétection hautes résolutions, ces bases de données géographiques et cartographiques, intégrées dans les systèmes d’informations géographiques (SIG), recouvrent et intègrent une large gamme d’informations et de bases de données : référentiel grande échelle, cartes d’occupation et d’utilisation du sol, bases de données socio-économiques et démographiques de l’INSEE, plans cadastraux, etc. L’intérêt est de les rendre rapidement mobilisables auprès des différents acteurs, l’enjeu est de les mettre rapidement à jour (crash program).

  3. Celui du suivi en temps quasi réel de l’évènement naturel et de l’évaluation des impacts sur les populations, les territoires, l’environnement et leur étendue. Celui-ci s’effectue, en général, par la mobilisation des satellites d’observation de la Terre ou dédiés au suivi des crises naturelles et environnementales comme Formosat 2 en corrélation directe avec les systèmes d’informations géographiques de suivi et de gestion de crise et de terrain (CAD/I d’Intergraph par exemple).

  4. Celui de la mise à disposition des cartes et des informations aux populations qui risquent ou qui sont touchées par une catastrophe naturelle. Si la mise à disposition via l’Internet de ce type d’information à l’échelle de la parcelle a été prônée dans le livre blanc du CNIG « S’informer pour prévenir le risque naturel » et la convention Aarhus, celles-ci peinent à être mises en place.

  5. Celui de l’évaluation, à posteriori, des conséquences et de l’intensité des zones touchées, des personnes et des biens atteints. La pertinence de la géomatique et, plus particulièrement, des systèmes de gestion de bases de données à référence spatiale (SGBDS), dépend de la précision des corrélations spatiales entre localisation des assurés–sinistrés, étendue et intensité de la catastrophe et dégâts occasionnés. Les outils et démarches géomatiques sont utilisés à tous les échelons d’analyses, de prévention, de suivi et de « traitements » d’une catastrophe naturelle. Ils forment l’ossature informationnelle géographique et spatiale de l’ensemble des systèmes d’alerte, de prévention, de gestion d’un évènement tout autant qu’un moyen d’évaluation des dégâts occasionnés. L’utilisation quelque peu fragmentée de la géomatique comme outil et démarche d’analyse et de traitement de l’information tient à la multi fonctionnalité même des systèmes d’informations géographiques, de la simulation et de la modélisation spatiale et de la télédétection. La géomatique est utilisée comme un moyen de produire de l’information, de compléter ou mettre à jour des bases de données géographiques, un outil d’analyse spatiale, de simulation et de prévention. Elle tient également à la multiplicité des acteurs intervenants dans le processus de prévention, de gestion et d’évaluation des risques naturels. La diversité des acteurs institutionnels, la spécificité de leur rôle et fonction respective, conduisent et se traduisent par une multiplicité des systèmes géomatiques.

 

Multiplicité des systèmes géomatiques, diversité des acteurs

L’imbrication de ces niveaux et la multiplicité des acteurs institutionnels (défense, sécurité civile, collectivités territoriales, etc.), non institutionnels (ONG) et privés (assureurs) pose la question de l’interopérabilité et de la mise en commun (mutualisation) des informations géographiques. La disparité des systèmes d’informations spatialisés met en exergue la question de l’interopérabilité. La disparité des données géographiques pose le problème de leur normalisation à l’échelle nationale et du développement des modèles de fusion de données hétérogènes et multi échelles. La prise en compte de la réalité sur le terrain en temps réel ou lors de l’évaluation des dégâts, tout comme l’information aux assurés pose la question de l’efficience des architectures de types SIG mobiles existantes.
S’il est actuellement difficilement concevable de mettre en œuvre un système d’information intégré sur les risques naturels en raison de la diversité des SIG et d’alerte, de la multiplicité des acteurs et des intérêts, plusieurs pistes pourraient être envisagées en terme d’interopérabilité, de mise en commun ou à disposition des bases de données, des analyses ou des simulations. L’interopérabilité des systèmes d’informations géographiques pourrait se faire par l’échange des différentes sources d’informations acquises par les différents acteurs institutionnels et privés : données brutes, bases géographiques et spatiales, cartes, analyses, modèles de simulations. La mise en commun des données et rapports ne pourrait qu’enrichir les études, traitements et analyses des autres acteurs impliqués dans la prévention et la gestion des risques naturels. Elle permettrait, également, une meilleure coordination et gestion des ressources informationnelles tout autant qu’une rationalisation des besoins et une identification des manques. La mutualisation, la structuration et la hiérarchisation des fonctions entre les acteurs au travers des SIG, si nécessaire soient-elles, se heurtent à une logique, une « culture » de non diffusion des sources d’informations et des ressources (connaissances et savoir faire). Les réticences liées à la non communicabilité des données et connaissances rendent difficile la mise en place de plateformes communes de prévention, d’alerte et d’analyse ou à défaut interopérables. Les réticences des acteurs institutionnels et privés à l’interopérabilité des données, informations, connaissances, analyses et des systèmes conduisent à une démultiplication des SIG, à une absence de normalisation des bases de données et de formalisation des besoins, si minime soit-elle. On peut se demander si cette logique de non diffusion a réellement un sens. Plus de 95% de l’information géographique est ouverte ou disponible, nombre de données catégorisées comme non diffusables ou/et manquantes peuvent être produites ou du moins approchées par la combinaison, l’association de bases de données existantes et les résultats produits à partir d’autres variables et indicateurs géographiques. La confidentialité des données et ressources socio–géographiques à la mutualisation ne cacherait-elle pas, en partie, une autre réalité : l’obsolescence, l’état embryonnaire des systèmes d’informations mis en place par certains de ces acteurs, tout autant que certaines déficiences ? Ou plus simplement la culture corporatiste, les politiques commerciales et jalousées de certaines institutions ou acteurs privés se heurtent à celle de l’intérêt général de la société et des populations ? En l’absence de systèmes d’informations et d’alerte interopérables ouverts disponibles, les populations ont tout intérêt à utiliser les systèmes d’informations géographiques « ouverts » étasuniens qui renseignent sur le niveau d’alerte et de prévention des risques et catastrophes naturelles potentielles, à venir ou en cours. Ces systèmes d’informations « ouverts » consultables en temps réel par l’Internet, issus de la politique de domination informationnelle globale nord-américaine, sont constamment améliorés et mis à jour. Ils s’appuient en grande partie sur les réseaux de mesures et les constellations de satellites d’observation de la Terre. Ils sont actuellement conçus pour fournir une information ouverte aux échelles globales et régionales, parfois locales. Tel World Win de la NASA, ils pourraient, par la puissance d’intégration des données et des modèles mis à jour en quasi temps réel, se substituer à certains SIG mis actuellement en place. La consultation ouverte des SIG sur les niveaux, types et cartographies des risques naturels mis en place par les DIREN répond à cette attente de la part de la société civile. Cependant, en l’absence réelle de système géomatique d’alerte et d’information, pourtant prônée par le conseil national de l’information géographique (CNIG) et formalisée par la convention Aarhus, une possible mise en dépendance informationnelle par rapport aux systèmes d’informations et d’alerte étasuniens liée à une demande sociétale en constante augmentation est-elle politiquement acceptable ?
 

SIG, risques et équitabilité géographique de la gestion de la vulnérabilité

Si la question de l’efficience des démarches d’analyses et de conceptualisation des risques naturels par la géomatique est depuis plusieurs années démontrée, l’éclatement des systèmes mis en place, même au sein des DIREN (direction régionale de l’environnement), la disparité et la qualité des données et informations implémentées et modélisées entre différents SIG de chacune d’entre-elles, l’absence ou l’existence d’interopérabilité avec d’autres systèmes d’informations ou acteurs institutionnels nuit à la mise en place d’une politique globale de prévention et de gestion intégrée des catastrophes naturelles formalisée par le biais de la géomatique. Les inégalités de traitement, les disparités des études et des analyses des plans de prévention des risques, tout autant qu’une absence de restitution géographique disparate pose la question du « traitement » équitable des populations devant les risques naturels. Problème d’équitabilité géographique et sociétale qui transparaît à travers les SIG mis en place à cet effet. Sur le plan strict des sciences géomatiques, les difficultés d’harmonisation des données et informations, d’interopérabilité des systèmes et modèles, l’incapacité de certains acteurs institutionnels et privés à s’accorder sur la mutualisation des données, sans compter les difficultés de généraliser à des fins opérationnelles les modèles de simulation, malgré le nombre et la qualité des modèles développés, rendent difficiles la mise en place de systèmes de prévention réellement spatialisés et localisés. Ceci est d’autant plus préjudiciable que le cadre politique, sociétal et technique du rôle et de l’emploi de l’information géographique et de ses modalités d’application ont été clairement définis et entérinés à travers 16 propositions du livre blanc publié en 2005 « S’informer pour prévenir le risque naturel ». Les modalités ont été fixées, reste aujourd’hui à les mettre en œuvre.