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Si la nécessité de prévenir les impacts sur l’environnement gagne peu à peu l’ensemble des secteurs d’activités, sa mise en œuvre pratique reste encore fragmentaire. Tout produit génère des impacts sur l’environnement : consommation de matières et d’énergies, pollutions des eaux, de l’air et des sols, production de déchets,... Or, par le passé, bien peu de nos produits ont été développés en intégrant la prise en compte de l’environnement de manière préventive, c’est-à-dire dès leur conception.
Aujourd’hui, l’environnement gagne les produits : l’éco-conception (ou éco-design) consiste à prendre en compte de l’environnement lors de la phase de conception ou d’amélioration des produits, et à mettre en œuvre une approche globale et multi-critère de l’environnement. Cette approche récente a pour objectif d’identifier les principales sources d’impact sur l’environnement d’un produit tout au long de son cycle de vie et d’éviter, voire arbitrer, les transferts de pollution inhérents à différentes options de conception. Industries électriques et électroniques, plasturgie, produits de construction, entreprises de vente à distance, ameublement, articles de loisir, activités de communication… tous les secteurs sont, ou vont être, peu à peu, concernés par cette approche.

A une ou plusieurs étapes de son cycle de vie (figure ci-dessous), chaque produit génère des impacts négatifs sur l’environnement. La très grande majorité des produits nécessite de la matière et de l’énergie pour être fabriquée, de l’énergie pour être transportée, des emballages pour être protégée et, finira un jour sous forme de déchets, même si certains produits auront pu, avant d’atteindre ce statut, bénéficier d’une seconde vie grâce à la réutilisation ou au recyclage.

Les charges que font peser notre société sur l’environnement sont de plus en plus lourdes : ainsi, en trente ans, notre production d’ordures ménagères a plus que doublé (figure ci-dessous), doublement en partie lié à l’augmentation de nos consommations de biens, à la multiplication des emballages et à l’obsolescence de plus en plus rapide de nos produits.

La contribution des produits aux charges environnementales ne se limite pas à la consommation de matières et d’énergies non renouvelables ou à la production de déchets : elle se retrouve également prépondérante en ce qui concerne le changement climatique. Ainsi, pour la France, si l’on considère l’émission de dioxyde de carbone totale rapporté à un ménage (16,4 tonnes d’équivalent CO₂ /an par ménage français), plus de la moitié de cet effet de serre résulte des impacts des produits sur l’ensemble de leur cycle de vie (figure ci-dessous).

L'éco-conception est par nature une démarche préventive. Elle consiste à intégrer le paramètre environnemental au sein du jeu des paramètres classiques de conception (faisabilité technique, coûts, délais, attentes du marché…) de manière à réduire les impacts environnementaux lors de la création ou de l'amélioration d'un produit. (figure ci-dessous).

Cette démarche passe par une prise en compte globale de l'environnement (consommations d'énergies et de matières, rejets, émissions et déchets) à chaque étape du cycle de vie du produit : de sa fabrication à sa valorisation en fin de vie, en passant par ses étapes de distribution et d'utilisation. Choix des matières premières, des modes de fabrication, de transport et de distribution, réflexions sur les fonctionnalités et la durabilité des produits, réduction des impacts lors de l’utilisation ou de la fin de vie des produits : toutes les étapes du cycle de vie sont prises en compte dans cette démarche globale qui fait appel à la créativité et à l’innovation (figure ci-dessous).

Les améliorations environnementales envisagées ne doivent évidemment altérer ni la qualité, ni les modalités d'utilisation ou les fonctionnalités des produits. Elles sont également conçues pour éviter les transferts de pollution, c’est-à-dire pour ne pas créer ou aggraver d’autres impacts environnementaux.

Au niveau normatif, comme l’approche « organisme », dont il est le complément, le management environnemental approche « produit » s’appuie sur des normes internationales (cf. tableau suivant), dont une est spécifiquement dédiée à l’éco-conception : l’ISO 14062 (figure ci-dessous)

En terme de méthodes, dans le domaine de l’évaluation globale et multi-critère des impacts environnementaux d’un produit, l’outil le plus abouti est l’ACV (Analyse du Cycle de Vie), analyse qui résulte de l’interprétation du bilan quantifié des flux de matières et énergies liés à chaque étape du cycle de vie des produits (figure ci-dessous). Concernant l’ACV, on notera que si l’utilisation de cet outil était qualifiable d’expérimentale voire de partiale au début des années 90, sa pratique, sa diffusion et, surtout, sa normalisation au niveau international (série des ISO 14040), en font aujourd’hui un outil performant et reconnu. Un exemple d’application de l’ACV est donné par le tableur excel interactif « ACV jean.xls » qui permet d’illustrer les impacts sur le cycle de vie d’un produit courant (le pantalon en jean) et les choix possibles en terme de production et de consommation.

Aux cotés de l’ACV, se sont récemment développées des approches plus ou moins simplifiées, voire qualitatives, mais qui conservent les 2 caractéristiques de base que sont une approche multicritère de l’environnement et la prise en compte du cycle de vie des produits.

Ainsi, selon le secteur et le degré d’apprentissage de l’entreprise en matière d’environnement, tous les moyens d’action sont envisageables. Il peut s’agir de « simples » supports papier décrivant quelques principes de base (notions de cycle de vie, d’efficacité nécessaire et suffisante des produits, de réductions des impacts à service rendu égal, d’augmentation de la durabilité, de la réparabilité ou des possibilités de mise à niveau technologique des équipements ou de réutilisation des composants : fig. 9) ou encore d’outils plus spécialisés (calculs instantanés, par un logiciel spécifique, des gains ou pertes opérés par telle ou telle modification, illustrés sous forme graphique par le biais d’indicateurs préétablis : fig. 10). Les référentiels existants en terme de reconnaissance officielle de la qualité écologique peuvent également constituer autant de pistes d’amélioration à disposition des concepteurs (fig. 11).

Pour finir, il semble que dans de nombreux cas, le simple bon sens du concepteur peut également être source d’importantes améliorations environnementales… dès lors que ce bon sens est conforté par l’avis d’un expert en matière d’impacts environnementaux, de manière à éviter les pièges les plus courants (réduction de contributions minimes ou création de transferts de pollution) : il s’agit donc avant tout de faire preuve d’un bon sens éclairé…

Quelles que soient leurs motivations initiales, la majorité des entreprises ayant adopté une démarche d'éco-conception constatent des bénéfices pour leur structure. Ainsi, au-delà de l'objectif de réduction des impacts environnementaux des produits, la démarche d'éco-conception est un élément clé de la stratégie des entreprises : elle peut permettre de transformer leurs dépenses environnementales en investissements et en opportunités de développement.

En effet, opter pour l’éco-conception, c’est aussi :

La démarche d'éco-conception, en tant qu'approche volontariste, permet également d'anticiper et de respecter au moindre coût les réglementations environnementales actuelles et à venir, voire de transformer ces nouvelles contraintes en opportunités.

Quelques années après la définition des principes de l'éco-conception, les applications se diversifient et les réussites commerciales et distinctions se multiplient, prouvant, s’il en était encore besoin, que compétitivité et environnement peuvent aller de pair (figure ci-dessous) :

La protection de l'environnement apparaît donc comme un facteur nouveau de différenciation concurrentielle. Hier limitée à quelques entreprises pionnières, l’intégration de l’environnement dès la conception des produits, biens ou services, devrait demain se généraliser afin de nous inscrire dans la perspective d’une production et d’une consommation plus durables.