Adaptations des animaux au milieu terrestre
La colonisation du milieu terrestre par les invertébrés est mal connue car les informations sont rares. Le gisement exceptionnel de Gilboa, dans l'Etat de New York, atteste d'une diversité importante dès le Dévonien moyen, avec des représentants des myriapodes, acariens, collemboles et trigonotarbides (un groupe d'araignées fossiles).

Quant aux premiers vertébrés dotés d'adaptations au milieu terrestre, ils sont issus d'un groupe de poissons à nageoires charnues, appelés sarcoptérygiens, très diversifié au cours du Paléozoïque moyen. Leurs nageoires ne s’attachent sur la ceinture que par un élément unique contrairement à celles des poissons dits à nageoires rayonnées ou actinoptérygiens (ce dernier groupe est aujourd’hui beaucoup plus diversifié et comprend l’énorme majorité des poissons des mers actuelles). C'est à la fin du Dévonien, vers 375 millions d'années, que certaines formes de sarcoptérygiens présentent non seulement un poumon mais aussi, et pour la première fois, des doigts à l'extrémité des membres, en nombre variable, 7, 8 ou 6, selon les taxons (respectivement Ichthyostega, Acanthostega et Tulerpeton). Cependant, des analyses biomécaniques montrent que la plupart ne pouvaient se déplacer sur la terre ferme car ces premières pattes, pourvues de doigts, si elles devaient pouvoir leur permettre de se hisser hors de l'eau, ne pouvaient ni soutenir ni déplacer le corps sur la terre ferme d'après la morphologie des articulations, ou encore la longueur différente de certains os tels que ceux de l'avant-bras chez Acanthostega par exemple. En milieu aquatique, ces pattes pourvues de doigts ont pu servir à se déplacer dans une eau boueuse plus ou moins enchevêtrée de racines, tiges ou débris végétaux, ou encore à s'accrocher ou s'immobiliser entre deux eaux ou sur le fond. Quelques millions d'années plus tard, ces pattes sont devenues des structures de locomotion terrestre, capables de soulever et de déplacer le corps des premiers amphibiens sur la terre ferme. Ainsi, les doigts apparaissent chez des organismes encore inféodés au milieu aquatique, sans lien direct avec le déplacement sur les terres émergées. Leur fonction est ensuite détournée et permet alors à certains organismes de coloniser de nouvelles niches écologiques. On parle d'exaptation ou de structures préadaptées pour désigner ces structures nouvelles dont la fonction diffère souvent rapidement de leur fonction première, ce changement de fonction s'accompagnant de modifications qui paraissent mineures.

(Figure 6: Reconstitution de Acanthostega (à gauche, Clément 2006) ; Schéma du membre antérieur de Panderichthys et de Acanthostega, et du membre postérieur de Ichthyostega (Steyer 2000). Panderichthys est un Sarcoptérygien ou "poisson à nageoires charnues" apparenté aux premiers tétrapodes. Ichthyostega et Acanthostega sont deux tétrapodes fossiles du Dévonien supérieur (environ 360 millions d'années).

Clément G. 2006 – Les tétrapodes de Paléo-belgique. Pour la Science, Fév. 2006, p.38-43. Steyer S. 2000 – Les pattes des amphibiens, entre bricolage et innovation. Dossier pour la Science, La valse des espèces, p. 54-59.)