La chimie du carbone et des carbonates dans l'océan contrôle le taux de CO2 atmosphérique ainsi que la précipitation de carbonates
Le carbone inorganique dissout existe sous 3 formes: \left[CO_{2d}\right], \left[HCO_3^-\right], \left[CO_3^=\right]. On a les constantes d'équilibres chimiques suivantes:
K_0 = \frac {\left[ CO_{2d} \right]} {pCO_2}
dissolution du gaz CO_2

K_1 = \frac{\left[H^+\right]\left[HCO_3^-\right]}{\left[CO_{2d}\right]}
1ere dissociation

K_2 = \frac{\left[H^+\right]\left[CO_3^=\right]}{\left[HCO_3^-\right]}
2eme dissociation

K_S = \left[Ca^{2+}\right]\left[CO_3^=\right]
dissolution du carbonate CaCO_3 qui dépendent de la température, la salinité, la pression, etc… mais que l'on supposera ici vraiment constantes.
On introduit les quantités conservatrices suivantes:
Le carbone total (en anglais DIC: dissolved inorganic carbon):
C=\left[CO_{2d}\right]+\left[HCO_3^-\right]}+\left[CO_3^=\right]
L'alcalinité (liée à l'équilibre des charges):
A=2\left[CO_3^=\right]+\left[HCO_3^-\right]+borates+termes\ petits
Lorsqu'on ajoute 1 mole de CO_2 : ∆C = +1, ∆A = 0
Lorsqu'on dissout 1 mole de CaCO_3 : ∆C = +1, ∆A = +2

Si on néglige \left[CO_{2d} \right] (~ 1%) devant les autres termes (\left[ HCO_3^-\right] ~ 90% et \left[ CO_3^= \right] ~ 10%), on obtient:
C\approx \left[  CO_3^= \right]+\left[  HCO_3^- \right]
A \approx  2\left[  CO_3^= \right]+\left[  HCO_3^- \right]
d'où :
\left[  CO_3^= \right]\approx A - C
\left[  HCO_3^- \right] \approx 2\ C - A

On calcule les variations :
\Delta\left[ CO_3^= \right] \approx \Delta A - \Delta C
\Delta\left[ HCO_3^- \right] \approx 2 \Delta C - \Delta A
\left[H^+\right] = \frac{K_2 \left[HCO_3^-\right]}{\left[CO_3^=\right]};
pH = pK_2 - \log_{10}\left(\frac{\left[HCO_3^-\right]}{\left[CO_3^=\right]}\right)
\left[CO_{2d}\right] =  \frac{\left[H^+\right]\left[HCO_3^-\right]} {K_1} =\frac{(\frac{K_2}{K_1}) \left[HCO_3^-\right]^2}{\left[CO_3^=\right]
d'où:
\Delta pH \approx - \left(\frac{\Delta\left[HCO_3^-\right]}{\left[HCO_3^-\right]\right) + \left(\frac{\Delta\left[CO_3^=\right]}{\left[CO_3^=\right]\right)
\frac {\Delta pCO_2}{pCO_2} \approx 2  \left(\frac{\Delta\left[HCO_3^-\right]}{\left[HCO_3^-\right]\right) - \left(\frac{\Delta\left[CO_3^=\right]}{\left[CO_3^=\right]\right)

Figure 1

Légende
isolignes pour pCO_2 (en ppm, en rouge) et pour \left[CO_3^=\right] (en mmol/l, en bleu) en fonction du carbone inorganique total C (DIC en anglais) et de l'alcalinité A, en utilisant l'approximation drastique utilisée ici (avec les constantes d'équilibre prises à T=288K et S=35‰). A comparer aux 2 figures ci-dessous…

Figure 2

Légende
isolignes pour pCO_2 (en ppm, en rouge) et pour \left[CO_3^=\right] (en mmol/l, en bleu) avec un calcul plus réaliste (en tenant compte des borates) pour T=288K et S=35‰

Figure 3

Légende
isolignes pour pCO_2 (en ppm, en rouge) et pour \left[CO_3^=\right] (en mmol/l, en bleu) avec un calcul plus réaliste (en tenant compte des borates) pour T=275K et S=33‰
Comme on peut le voir sur les figures ci-dessus, l'approximation que l'on a fait n'est pas très bonne numériquement, mais l'allure des courbes (en particulier leur pente) est raisonnablement reproduite. Par ailleurs, la température a un effet très important sur les constantes d'équilibre, en particulier sur la solubilité du CO_2\ (K_0).

Si l'on part d'un océan "actuel" (en exprimant tout en GtC au lieu de moles) avec C = 38 000 GtC et A = 42 000 GtC (soit \left[CO_3^=\right] = 4000 GtC et \left[HCO_3^=\right] = 34000 GtC). Une injection de 1000 GtC de CO_2 produit la perturbation (après équilibre océan-atmosphère, soit quelques siècles ou plus):
\Delta_ 1 C = + 1000 \ GtC, \Delta _1 A = 0
soit: \Delta_1\left[CO_3^=\right] \approx - 1000 \ GTC; \Delta_1\left[HCO_3^-\right] \approx - 2000 \ GTC
\Delta_1pH \approx - 0.3; \frac{\Delta_1pCO_2}{pCO_2}  \approx 0.48 (= augmentation de 48 %)

La diminution de \left[HCO_3^=\right] va entrainer une dissolution de CaCO_3, jusqu'à rétablir le produit de solubilité K_S = \left[Ca^{2+}\right]\left[CO_3^=\right] (après équilibre océan-carbonate, soit quelques millénaires ou plus): comme la concentration en Ca^{2+} change peu, on va en fait rétablir la concentration initiale en CO_3^=. C'est la compensation des carbonates. Pour la dissolution d'une mole de CaCO_3, \Delta_2 C = + 1, \Delta_2 A = + 2. Donc pour obtenir (\Delta_1 + \Delta_2)\left[CO_3^=\right] = (\Delta_1 + \Delta_2)(A - C) =0, il faut dissoudre 1000 GtC de CaCO_3 (\Delta_2 C =+1000 \ GtC, \Delta_2 A =+2000 \ GtC).
Au total:
(\Delta_1 + \Delta_2) \ C = +2000 \ GtC; (\Delta_1 + \Delta_2) \ A = 2000 \ GtC
(\Delta_1 + \Delta_2)\left[CO_3^=\right] \approx 0;(\Delta_1 + \Delta_2)\left[HCO_3^-\right] \approx + 2000 \ GtC
(\Delta_1 + \Delta_2) pH \approx - 0.06; \frac{(\Delta_1 + \Delta_2) pCO_2}{pCO_2} \approx 0.11 (= augmentation de 11 %)

Pour revenir aux conditions initiales (après quelques centaines de milliers d'années), il faut invoquer la dissolution des silicates. En effet, comme cela est détaillé plus bas, celle-ci permet d'utiliser 1 CO_2 pour produire 1 ion HCO_3^- dissout dans l'eau, soit le bilan \Delta_3 C = 0, \Delta_3 A = +1. Si l'on impose l'équilibre des carbonates (\Delta_3 + \Delta_4)(A - C) = 0, il faut en plus précipiter du carbonate \Delta_4 C = -x, \Delta_4 A = -2x:
(\Delta_3 + \Delta_4)(A - C) = 0 =>\Delta_4 C = -1, \Delta_4 A = -2
On précipite donc 1 mole de CaCO_3 pour chaque mole de CO_2 utilisée par la dissolution des silicates. Pour (\Delta_3 + \Delta_4) C = -2000 \ GtC et (\Delta_3 + \Delta_4) A = -2000 \ GtC, on revient bien aux conditions initiales, c'est-à-dire (\Delta_1 + \Delta_2 + \Delta_3 + \Delta_4) X = 0.

Schéma

Légende
Schéma reprenant les différentes étapes associées à une injection de CO_2 dans l'océan. L'érosion des silicates (étape 3) étant très lente par rapport à la compensation des carbonates (étape 4), le chemin de "retour" est la flèche pleine violette à concentration en carbonate constante.