« Soil, the last frontier »
Ce titre d’un numéro spécial de la revue scientifique Science (2004) traitait de l’écologie des sols et en particulier de la difficulté persistante à étudier les organismes vivants dans les sols, en raison de leur très grande diversité et de leur interaction complexe avec les constituants minéraux et organiques.
En effet, les processus biologiques dans les sols sont à la base de la vie en milieu terrestre, mais l’opacité des sols et la grande variabilité spatiale et temporelle de ces processus ont retardé leur compréhension.
Les sols contiennent en effet des organismes vivants très variés comprenant des bactéries, des champignons, des algues, les parties souterraines des plantes, mais également des animaux depuis les protozoaires jusqu’aux mammifères. Le tableau 5.1 donne des ordres de grandeur d’abondance et de biomasse de certains taxons de faune du sol, qui s’élèvent à des chiffres vertigineux même sur des surfaces restreintes : en moyenne, la faune du sol comprend plusieurs centaines de millions d’individus au m² (Gobat et al., 2003) et plusieurs centaines espèces différentes d’invertébrés peuvent être reconnues (Cluzeau et al., 2005).
Crédits
D’après Cluzeau et al., 2005)
Légende
Tableau 2.4.4 : Ordres de grandeur de l’abondance et de la biomasse de différents genres dans un sol tempéré
Ces êtres vivants assurent l'essentiel des fonctions contribuant au maintient de la structure et de la fertilité des sols.
Ainsi, les habitants du sol sont responsables :
- de la décomposition, transformation et transport de la matière organique en lien avec les cycles biogéochimiques (ex : la nutrition minérale des plantes est maintenue par la minéralisation de la matière organique et la fourniture d'éléments nutritifs),
- du devenir des polluants organiques et métalliques dans le sol (ex : les microorganismes du sol permettent de dégrader les contaminants organiques et de réguler la mobilité des éléments en traces),
- de la formation et de l'entretien de la structure des sols (ex: les vers de terre sont dits des « organismes ingénieurs » du sol qui organisent en partie la structure du sol),
- du fonctionnement global des écosystèmes terrestres (ex : les microorganismes assurent des symbioses racinaires garantissant une meilleure productivité végétale) et des chaînes trophiques (ex : les organismes du sol sont consommés par des vertébrés supérieurs),
- des émissions/séquestrations de gaz à effet de serre,
- de l’hébergement de micro-organismes éventuellement pathogènes pour les plantes, les animaux ou les humains (ex. L. Pasteur montre dès 1888 que la maladie du charbon des moutons est provoquée par un bacille qui survit dans le sol et est transmise aux animaux par l’intermédiaire des turricules de vers de terre).
La figure 2.4.5 représente à l’échelle mondiale les stocks de carbone dans les principaux compartiments de l’écosystème et les flux annuels entre ces compartiments. Le stock de carbone dans les sols est estimé à 1500 Gt et s’avère donc très supérieur au stock dans la végétation ou les êtres vivants. Le sol est donc bien un compartiment majeur de stockage de carbone, dont l’importance a été soulignée par tous les travaux portant sur le changement climatique (Robert et Saugier, 2003).
Crédits
D’après Robert et Saugier, 2003
Légende
Figure 2.4.5 : Stocks et flux annuels de carbone dans différents compartiments de l’écosystème.
Les stocks sont exprimés en milliards de tonnes et les flux en milliards de tonnes par an.
Les stocks sont exprimés en milliards de tonnes et les flux en milliards de tonnes par an.
L’importance du stockage de carbone dans les sols dépend de nombreux facteurs qui sont d’ordre climatiques (température, pluviométrie), d’ordre stationnels (constituants, végétation) ou liés à l’influence de l’activité humaine (pratiques agricoles, aménagements). Le stock de carbone dans les sols est donc très variable à l’échelle mondiale (Figure 2.4.6) : il varie de moins de 2 kgC/m² pour des sols désertiques à plus dans de 80 kgC/m² dans des sols tourbeux des régions boréales*.
En France, le stock dans les sols cultivés varie de 4 à 10 kgC.m² en ne considérant que les 30 premiers cm du sol, qui cumulent de l’ordre de 70 % du stock total.
* A titre de comparaison, la moyenne européenne des émissions de CO2 par une voiture est de 163 g/km en 2004 (Ademe, 2005), soit une émission de 4 kg de C pour 100 km parcourus !
Légende
Figure 2.4.6 : Carte mondiale de la distribution des stocks de carbone du sol.
Etablie d'après l'USDA.
Etablie d'après l'USDA.