L’extinction des espèces n’est pas un phénomène rare. Au contraire, elle constitue pratiquement la règle : près de 99% des espèces qui ont existé par le passé ont disparu et la biodiversité a été marquée par de profondes évolutions. La faible quantité de témoins fossiles durant les premiers milliards d’années de la Terre ne permet que difficilement de reconstituer l’évolution mais il semble aujourd’hui qu’elle ait été marquée par de très grandes étapes, fondamentales, comme l’apparition des organismes cellulaires à noyau ou le passage de microorganismes producteurs de méthane aux producteurs d’oxygène. Il y a un peu plus de 600 millions d’années, se produit une autre évolution tout aussi fondamentale qui voit l’apparition et la profusion soudaine des organismes pluricellulaires (on caractérise cette étape sous le nom d’explosion cambrienne). Depuis cette époque, l’analyse des sédiments marins a montré que s’étaient produites cinq grandes crises de la biodiversité (Voir Fig. ci-dessous) au cours desquelles des milliers d’espèces avait disparues simultanément : à l’Ordovicien (il y a 439 millions d’années = MA), à la fin du Dévonien (-364 MA), du Permien (- 251 MA), du Triassique (- 199 MA), et enfin lors de la transition Crétacé-Tertiaire (-65 MA). Cette dernière extinction est la plus connue du grand public, puisqu’elle vit la disparition des dinosaures. Elle est attribuée le plus souvent à la chute d’une météorite massive dans le golfe de Mexico (cratère de Chicxulub) mais plusieurs autres facteurs ont pu également participer à l’extinction (une activité volcanique intense située en Inde et une variation climatique). On estime que près de 47% des genres d’organismes marins disparurent alors, ainsi que 16% des vertébrés terrestres. Certaines crises furent encore plus dévastatrices, comme celle de la fin du Permien qui vit l’extinction de près de 95% des espèces existantes, tant dans l’océan que sur le continent. Là encore, plusieurs facteurs semblent s’être conjugués pour affecter l’écosystème planétaire. Ces crises témoignent des limites de la capacité d’adaptation de la biodiversité aux grandes variations de l’écosystème.
Figure 2.6.3.1
Crédits
D’après Raup & Sepkoski, 1982
Légende
Figure 2.6.3.1 : Extinctions au cours du temps
Outre les collisions de météorites avec la Terre, les éruptions volcaniques de grande ampleur et les changements de climat sont soupçonnés d’être les causes de ces extinctions. A chaque fois, il fallut environ 10 millions d’années pour que la diversité des espèces revienne à son niveau antérieur. Au cours de ce délai apparurent de nouvelles espèces (processus de radiation évolutive), qui occupèrent progressivement les niches écologiques laissées vacantes.
Les spécialistes de la biodiversité s’accordent à dire que la planète traverse aujourd’hui la sixième grande crise d’extinction des espèces. A la différence des précédentes, celle-ci est extrêmement rapide, ce qui laisse fort peu de temps aux espèces pour s’adapter et les fragilise considérablement. Au moins 15.000 espèces sont confrontées à un risque d’extinction, selon la « Liste rouge » 2004 de l’UICN. Il faut cependant noter qu’il s’agit d’une estimation très approximative. L’homme n’a décrit que 1,75 million d’espèces sur un total estimé de 10 à 30 millions, et nous connaissons fort mal de nombreux taxons, comme les bactéries ou les insectes, par exemple. En conséquence, si l’on peut souligner les risques de disparition d’espèces emblématiques, cela reste très flou pour de nombreux autres organismes peu connus. Voir à ce sujet plusieurs dépêches de l’AFP rassemblées ici.
Les principales causes de disparition des espèces sont pour la plupart liées aux activités humaines (Figure 2.6.3.2 Causes d’extinction). Il s’agit essentiellement de la modification des habitats (36% ; par destruction des espaces naturels et/ou leur transformation en espace agricole), de la chasse (23%) et des introductions d’espèces (39%). Cette dernière raison est particulièrement importante en milieu tropical ou sur les îles, où existent de nombreuses espèces endémiques. Le réchauffement climatique pourrait entraîner la disparition de 15 à 37% des espèces (Thomas, Nature, 2004), mais il peut aussi favoriser les espèces envahissantes, très compétitives et susceptibles d’éliminer les espèces endémiques. La perte de biodiversité résulte donc à la fois de la diminution du nombre d’espèces et de la banalisation des communautés. Pour la France, voir aussi la plaquette sur la biodiversité du comité de l’UICN.