Introduction
1.3.1. Le rôle multifonctionnel des sols
Les sols remplissent des fonctions essentielles pour l'économie (ex : production agricole et sylvicole, support des infrastructures, production de matériaux), jouent un rôle important pour l'environnement (ex : épuration de l'eau, biodiversité) et sont un patrimoine culturel et historique (ex : paysages, archéologie).
1- les fonctions de support de l’activité humaine
- un support pour l’habitat humain et les écosystèmes terrestres
Le sol est notre environnement physique et culturel. Il est la plate-forme de l'activité humaine (ex : habitat, aménagements routiers, activités industrielles), un élément du paysage (ex : sols rouges, tourbières, prairies sur sols calcaires) et du patrimoine culturel (ex : le sol renferme en milieu naturel et urbain les vestiges archéologiques).
Le sol est à l'origine des civilisations puisque sa fertilité et sa facilité de culture ont permis de sédentariser et de nourrir des populations, de différentier leurs alimentations et de permettre leurs développements démographique, commercial et culturel.
Légende
- un support pour les productions agricole et forestière
Les productions alimentaires, agricoles et sylvicoles, essentielles pour la survie des êtres humains (et des écosystèmes) dépendent essentiellement du sol. Presque toutes les productions végétales, notamment les prairies, les cultures arables et les arbres, ont besoin du sol pour leur approvisionnement en eau et en éléments nutritifs, mais également pour fixer leurs racines.
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- une source de matériau
Les sols fournissent des matières premières telles que l'argile, les sables, les minéraux et la tourbe. Cette ressource a notamment été utilisée comme matériau de construction pour les civilisations anciennes (avant l'avènement de matériaux de construction plus technologiques) et reste valorisée dans des pays en voie de développement.
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2- fonctions environnementales
- un capital vivant méconnu
Le type de sol détermine dans une large mesure les écosystèmes terrestres trouvés dans une région, dont beaucoup ont une grande valeur écologique (ex : zones humides, tourbières) mais la plus grande quantité et variété de vie se trouve dans le sol lui-même et non sur le sol. En effet, le sol est l'habitat d'une quantité et d'une variété immenses d'organismes possédant tous des caractéristiques génétiques uniques.
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La biomasse vivant dans le sol
Ainsi, il est estimé par exemple que :
- pour 1 à 1,5 tonne(s) de biomasse vivant sur le sol d'une prairie (herbe et bétail) correspondent jusqu'à 25 tonnes de biomasse (ex : bactéries, vers de terre) vivant dans les 30 premiers centimètres du sol.
- 1 gramme de sol peut contenir jusqu'à 600 millions de bactéries appartenant à 15 000 à 20 000 espèces différentes.
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Les organismes du sol jouent un rôle essentiel dans le maintien des propriétés physiques et biochimiques nécessaires à la fertilité des sols. La faune du sol reste généralement peu étudiée et moins de 10 % de ses micro-organismes (notamment bactéries) sont aujourd’hui connus. Les organismes qui restent à découvrir et à étudier constituent un immense patrimoine génétique à explorer. Ainsi, de nombreux micro-organismes (bactéries et champignons) isolés à partir du sol sont déjà utilisés dans les processus de dépollution. L’inoculation microbienne permet, quant à elle, d’inoculer les sols avec des souches symbiotiques favorables aux plantes, lorsque les populations naturelles sont trop faibles.
La diversité des espèces biologiques des sols ainsi que leurs rôles est actuellement très largement inconnue ce qui a fait dire à certains chercheurs que le sol que nous foulons tous les jours est encore "un continent inexploré".
- un réservoir en interaction avec les autres milieux
- les minéraux (ex : réactions d'oxydo-réduction, altération des minéraux…),
- les matières organiques (ex : dégradation de la matière organique végétale, de polluants organiques…),
- l’eau (ex : réserve utile pour les végétaux, capacité de rétention),
- diverses substances chimiques d'origines naturelle ou anthropique (ex : nutriments, éléments en traces, polluants organiques).
L'importance du sol dans le cycle de l’eau est souvent méconnue. En effet, le sol y joue un rôle fondamental, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Sur le plan quantitatif, les caractéristiques intrinsèques du sol ainsi que sa gestion déterminent en grande partie la part des eaux de pluie qui ruisselle à la surface du sol et rejoint les eaux de surface, et la part qui s'infiltre dans le sol. Cette dernière est alors stockée dans le sol et alimente en eau les plantes et l'ensemble des êtres vivants présents dans le sol, l'atmosphère via l'évaporation et la transpiration, et les nappes d'eau souterraine via le phénomène de recharge. Sur le plan qualitatif, la qualité de l'eau qui alimente les eaux superficielles et les eaux souterraines est largement déterminée par les caractéristiques du sol. Le sol peut avoir un effet protecteur sur la qualité des eaux, en contribuant à la rétention et à la dégradation de substances polluantes, par exemple les produits phytosanitaires. Il peut également avoir un effet "source de substances polluantes" (ex : transfert de contaminants comme les pesticides ou transport particulaire dû au ruissellement et à l'érosion du sol).
Au niveau mondial et en fonction de la gestion qui en est faite les sols peuvent jouer des rôles opposés vis-à-vis du changement climatique. En effet, suivant les gaz concernés, les types de sol et les pratiques culturales, le sol peut contribuer ou au contraire ralentir le changement climatique. Il est primordial de comprendre son fonctionnement par rapport aux cycles du carbone et de l’azote afin d’utiliser au mieux ses capacités régulatrices, ce d’autant plus que le stockage du carbone dans les sols peut contribuer au respect du protocole de Kyoto.
- Pour le méthane (CH4) qui contribue à 17% de l’effet de serre, les sources dues au sol sont principalement liées aux zones humides (ex : rizières, marais). Les sols des zones exondées, largement majoritaires en France, se caractérisent plutôt par leur capacité à absorber le méthane. Globalement, les sols de France constituent donc un "puits" vis-à-vis de ce gaz.
- Pour l'oxyde nitreux (N2O) qui contribue pour 7% à l’effet de serre, les sols sont à l'échelle mondiale, la principale source d’émission (70%). Ce phénomène est lié à la dénitrification (transformation de l’azote minéral NO3 en gaz N2O) sous l’effet des processus bactériens. Pour ce gaz, toutes les mesures conduisant à éviter la présence d'azote minéral excédentaire dans le sol liée à la fertilisation (un tiers des émissions serait lié à l’épandage des déjections animales et deux tiers à l’épandage d’engrais minéraux) sont favorables à la réduction des émissions.
- Dans le cas du CO2, qui contribue pour 55% à l’effet de serre, les sols peuvent être une source ou un puits suivant la manière dont ils sont gérés. En effet, la matière organique qui retourne au sol est en général dégradée par les organismes du sol. Cette dégradation peut être ralentie ou au contraire accélérée par les pratiques culturales.
Le retour au sol des déchets est pratiqué par l’Homme depuis toujours : fumure des sols avec les effluents d’élevage, épandage d’eaux usées, de fosses, de gadoue. Cette pratique repose d’une part sur la valeur fertilisante des déchets et d’autre part, sur la capacité du sol à dégrader les matières organiques présentes. Par ailleurs, le sol retient également les microorganismes pathogènes (qui dans les sols trouvent des conditions plus difficiles à leur survie et sont ainsi éliminés) et les substances polluantes (ex : éléments traces, molécules organiques) ce qui protège la ressource en eau. Cependant, depuis les années 1990 et l’avènement de plusieurs crises sanitaires, les agriculteurs sont plus réticents à accepter l’épandage de déchets sur les parcelles agricoles. Cette situation est d’autant plus compréhensible que les pratiques anciennes (utilisation de boues ou d’eaux usées très contaminées, doses d’épandage massives), entre les années 50 et 80 ont conduit à des contaminations avérées du sol et des récoltes. Le retour au sol des déchets et des produits dérivés (comme les composts) est depuis le milieu des années 80 rigoureusement encadré ce qui a permis de professionnaliser la filière et de sécuriser les épandages. Le retour au sol des déchets et la gestion de proximité sont à privilégier dès lors que des exigences de qualité et d'innocuité sont respectées. Ce mode de valorisation s'inscrit pleinement dans une logique de développement durable, s'il est mis en application dans des conditions rigoureuses et dûment raisonnées.
Complément
Le retour des déchets au sol au XIXème siècle vu par Victor HUGO, "Les Misérables"
Paris jette par an 25 millions à l'eau. Et ceci sans métaphore. Comment et de quelle façon? Jour et nuit. Dans quel but? Sans aucun but. Avec quelle pensée? Sans y penser. Pour quoi faire? Pour rien. Au moyen de quel organe? Au moyen de son intestin. Quel est son intestin? Son égout. 25 millions, c'est le plus modéré des chiffres approximatifs que donnent les évaluations de la science spéciale. La science, après avoir longtemps tâtonné, sait aujourd'hui que le plus fécondant et le plus efficace des engrais est l'engrais humain…. Employer la ville à fumer la plaine, ce serait une réussite certaine. Si notre or est fumier, en revanche, notre fumier est or. Que fait-on de cet or fumier? ... On le balaye à l'abîme. On expédie à grands frais des convois de navires afin de récolter au pôle austral la fiente des pétrels et de pingouins, et l'incalculable élément d'opulence qu'on a sous la main, on l'envoie à la mer. Tout engrais humain et animal que le monde perd, rendu à la terre au lieu d'être jeté à l'eau, suffirait pour nourrir tout le monde. Ces tas d'ordures du coin des bornes, ces tombereaux de boues cahotés la nuit dans les rues, ces affreux tonneaux sur la voirie, ces fétides écoulements de fange souterraine que le pavé cache (N.B. Il s'agit des égouts) savez-vous ce que c'est? C'est de la prairie en fleur, c'est de l'herbe verte, c'est du serpolet et du thym et de la sauge, c'est du gibier, c'est du bétail, c'est le mugissement satisfait des grands boeufs le soir, c'est du foin parfumé, c'est du blé doré, c'est du pain sur votre table, c'est du sang chaud dans nos veines, c'est la santé, c'est la joie, c'est la vie. Ainsi le veut cette création mystérieuse qui est la transformation sur le terre et la transfiguration dans le ciel."