2.3.3. Grands facteurs de la répartition actuelle
1. Les grands facteurs de la répartition (ETP / P / ETR) et les données de productivité
Les contraintes
Les deux contraintes majeures qui entravent l’activité végétale sont liées aux basses températures et au déficit hydrique. L’accentuation de l’une ou l’autre de ces contraintes entraîne la disparition progressive des espèces arborescentes, arbustives et même herbacées.
Un bon indicateur : l’évapotranspiration réelle (ETR)
L’évapotranspiration réelle (ETR), qui traduit le bilan entre les besoins en eau (ETP) et les disponibilités (Précipitations + Réserve Utile du sol), exprime le mieux les potentialités offertes à l’activité végétale. L’ETR est maximale pour une forte ETP et un approvisionnement en eau important. Elle diminue fortement avec une faible ETP et/ou un déficit accentué (Figure 3.2.3.11).
Crédits
D'après FAO
Légende
Figure 3.2.3.11 : Les deux paramètres fondamentaux de la répartition des forêts : P / ETP
La productivité primaire (quantité de matière élaborée chaque année par la végétation) reflète cette géographie de l’ETR et permet de distinguer des régions plus ou moins favorables au développement de la végétation (Figure 3.2.3.12).
Crédits
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Légende
Figure 3.2.3.12 : Carte de la productivité primaire des écosystèmes
Des milieux plus ou moins favorables
Les milieux favorables correspondent principalement aux régions équatoriales et tropicales humides, où les précipitations importantes se combinent à une forte ETP, liée aux températures élevées. Les façades orientales des continents aux latitudes intertropicales s’apparentent à cet ensemble. Vers les tropiques, l’allongement de la période sèche et donc l’augmentation du déficit hydrique, se traduisent par une diminution de l’ETR et de la productivité primaire. Les régions tempérées océaniques, malgré une moindre ETP et des précipitations plus limitées, font aussi figure de milieux favorisés. Le bilan se dégrade vers l’intérieur des continents (augmentation du déficit hydrique) et vers les hautes latitudes (réduction de l’ETP).
Les milieux défavorisés comprennent d’une part les ensembles désertiques, où, en dépit d’une forte ETP, l’ETR est très faible du fait du déficit hydrique, et d’autre part les hautes latitudes, et les hautes altitudes du fait d’une ETP réduite.
2. Zonalité et a-zonalité des grandes formations forestières
Les hautes latitudes ou les lois de la zonalité
Les paysages des hautes latitudes sont ceux où les lois de la répartition latitudinale s’expriment le mieux. Toundras et forêts boréales forment en effet deux vastes anneaux circumpolaires entre 50° et 80° de latitude. Cette zonalité traduit la tyrannie des contraintes thermiques. La limite nord de la forêt boréale s’explique à petite échelle par l’insuffisante durée de la période végétative (moyenne du mois le plus chaud < 10°C) et par l’importance du gel (nombre de jours sans gel < 60).
Cette disposition zonale dominante ne saurait cacher certaines irrégularités. La zone de transition forêt-toundra située vers 57° de latitude Nord au Québec atteint 68°N dans l’Ouest canadien, et 70°N en Scandinavie. Cette dissymétrie reflète l’opposition des façades océaniques (effets des courants marins chauds le long des côtes occidentales, des courants marins froids le long des côtes orientales). À plus grande échelle, les grands fleuves à orientation S/N permettent l’extension vers le Nord de la forêt boréale, alors que les ensembles montagneux (Alaska, Chaînes scandinaves, Oural) favorisent son décalage vers le Sud.
Cette répartition n’a pas son équivalent dans l’hémisphère Sud, plus océanique, où quelques rares lambeaux de toundras couvrent les îles de l’océan austral (Kerguelen, Falkland...).
La zonalité imparfaite des régions intertropicales
La zone intertropicale est également caractérisée par une répartition zonale dominante des grandes formations végétales depuis les forêts pluvieuses équatoriales jusqu’aux déserts chauds subtropicaux en passant par les forêts claires, les savanes et les steppes. Le facteur prépondérant est ici l’approvisionnement en eau lié au balancement saisonnier des grands centres d’action atmosphériques.
Les entorses à cette répartition latitudinale sont toutefois plus importantes. Le rôle des façades océaniques explique la remontée en latitude des forêts pluvieuses sur les côtes orientales de l’Asie et des Amériques, exposées aux flux des alizés et longées par des courants marins chauds. À l’inverse, les courants marins froids qui longent les façades occidentales rendent compte de l’extension méridienne des déserts côtiers (Namib, désert chilo-péruvien). La présence de grands massifs montagneux (Andes, Ruwenzori, chaînes de l’Insulinde) introduit à la fois un étagement biogéographique et des phénomènes d’opposition de versants (versants au vent/versants sous le vent). Des cas régionaux plus complexes (Inde, Nordeste brésilien, Est africain) participent de ces exceptions importantes à la « loi » de la zonalité.
Les moyennes latitudes : le poids des facteurs azonaux
Les moyennes latitudes forment un ensemble particulièrement hétérogène où les caractères de la zonalité s'effacent devant les exceptions. Si les forêts décidues tempérées sont bien présentes sur pratiquement tous les continents aux moyennes latitudes marquées par des alternances saisonnières importantes, leur extension est loin d’être circumterrestre et leurs caractéristiques sont pour le moins hétérogènes.
Ce sont tout d’abord les façades océaniques qui introduisent des ruptures de la répartition zonale. Les façades Ouest des continents sont, sur leur flanc tropical, le domaine des formations méditerranéennes caractérisées par une période de déficit hydrique estival (remontée des anticyclones subtropicaux). Elles contrastent avec les forêts subtropicales du Sud-Est des Etats-Unis ou de Chine, beaucoup plus humides. L’opposition des façades océaniques se marque aussi dans l’extension latitudinale plus importante des forêts caducifoliées à l’Ouest des continents.
Le déficit hydrique et la rigueur des hivers liés à une continentalité très marquée dans l’hémisphère nord, entraînent le remplacement progressif de la forêt caducifoliée par la forêt mixte et par les steppes continentales. Cette continentalité parfois renforcée par les obstacles orographiques que représentent les grandes barrières montagneuses (Rocheuses, Carpates, chaînes d’Asie centrale...), aboutit à la formation de véritables déserts continentaux.
Les héritages ont enfin leur part dans cette mosaïque des régions tempérées. Le repli des flores quaternaires a permis le maintien d’une forêt de conifères géants sur la façade Ouest américaine alors qu’en Europe, l’appauvrissement quaternaire n’a laissé subsister qu’une forêt caducifoliée. Les différenciations dans les paysages et les flores des forêts tempérées des deux hémisphères sont également le fruit d’héritages plus anciens (différenciation des flores dès l’ère secondaire).
3. Limites, marges et écotones forestiers
Si les limites entre les grandes formations végétales semblent relativement aisées à tracer sur un planisphère, leur analyse à plus grande échelle pose souvent de délicats problèmes d’interprétation. On définit sous le terme d’écotone ces marges, ces ensembles de contact entre formations différentes.
Les écotones de grandes dimensions
Le contact forêt boréale-toundra s’apparente ainsi davantage à une marge forestière qu’à une limite précise. Au Québec, au Nord des forêts denses d'épicéas et de sapins, s'étend un domaine de forêts claires dans lequel les arbres couvrent entre 40 et 80% du sol. L'espacement entre les arbres augmente encore vers le Nord. Entre 52°N et 53°N, la couverture arborée n'occupe plus que 25 à 40% du sol. C'est le domaine des forêts très ouvertes qui passent progressivement à des landes boisées. La taille des arbres décroît. Pouvant atteindre 20 mètres et plus à la limite Sud des forêts claires, les individus arborescents ne dépassent pratiquement plus les 10 mètres. À partir du 55°N, la présence de l'arbre se fait de plus en plus rare. Seuls quelques bouleaux glanduleux (Betula glandulosa), quelques très rares aulnes (Alnus crispa), parviennent à former, à la faveur de minuscules dépressions, de petits buissons, hauts de quelques décimètres tout au plus, qui viennent rompre la monotonie des landes à lichens.
Une même complexité se retrouve en milieu intertropical où les coupures entre forêt claire et savane boisée et plus encore entre savane boisée et savane arborée sont bien délicates à définir. De la même manière, des enclaves non forestières occupent parfois des étendues importantes à l’intérieur des domaines forestiers : immenses tourbières de la forêt boréale sibérienne, savanes herbeuses (Llanos) du Venezuela ou encore les « clairières » à graminées de la forêt cambodgienne.
Des écotones fluctuants
Cette complexité spatiale se double d’une dynamique temporelle. Depuis 6000 ans la limite forêt-toundra a oscillé en Amérique du Nord dans une bande de 350 km de large en fonction des fluctuations climatiques. Les interventions humaines, et notamment les incendies volontaires, ont enfin modifié les caractéristiques de ces zones de contact : il est ainsi souvent difficile de déterminer la part de l’écologique et celle de l’anthropique dans les limites forêt-savane en Afrique ou encore forêt-prairie en Amérique du Nord.
Si les limites entre les grandes formations végétales semblent relativement aisées à tracer sur un planisphère, leur analyse à plus grande échelle pose souvent de délicats problèmes d’interprétation. On définit sous le terme d’écotone ces marges, ces ensembles de contact entre formations différentes.
Les écotones de grandes dimensions
Le contact forêt boréale-toundra s’apparente ainsi davantage à une marge forestière qu’à une limite précise. Au Québec, au Nord des forêts denses d'épicéas et de sapins, s'étend un domaine de forêts claires dans lequel les arbres couvrent entre 40 et 80% du sol. L'espacement entre les arbres augmente encore vers le Nord. Entre 52°N et 53°N, la couverture arborée n'occupe plus que 25 à 40% du sol. C'est le domaine des forêts très ouvertes qui passent progressivement à des landes boisées. La taille des arbres décroît. Pouvant atteindre 20 mètres et plus à la limite Sud des forêts claires, les individus arborescents ne dépassent pratiquement plus les 10 mètres. À partir du 55°N, la présence de l'arbre se fait de plus en plus rare. Seuls quelques bouleaux glanduleux (Betula glandulosa), quelques très rares aulnes (Alnus crispa), parviennent à former, à la faveur de minuscules dépressions, de petits buissons, hauts de quelques décimètres tout au plus, qui viennent rompre la monotonie des landes à lichens.
Une même complexité se retrouve en milieu intertropical où les coupures entre forêt claire et savane boisée et plus encore entre savane boisée et savane arborée sont bien délicates à définir. De la même manière, des enclaves non forestières occupent parfois des étendues importantes à l’intérieur des domaines forestiers : immenses tourbières de la forêt boréale sibérienne, savanes herbeuses (Llanos) du Venezuela ou encore les « clairières » à graminées de la forêt cambodgienne.
Des écotones fluctuants
Cette complexité spatiale se double d’une dynamique temporelle. Depuis 6000 ans la limite forêt-toundra a oscillé en Amérique du Nord dans une bande de 350 km de large en fonction des fluctuations climatiques. Les interventions humaines, et notamment les incendies volontaires, ont enfin modifié les caractéristiques de ces zones de contact : il est ainsi souvent difficile de déterminer la part de l’écologique et celle de l’anthropique dans les limites forêt-savane en Afrique ou encore forêt-prairie en Amérique du Nord.