2.3.5. Politiques et stratégies de la durabilité forestière
1. Une place symbolique dans le débat sur le développement durable
Avec l’émoi suscité par la déforestation des grandes forêts tropicales, la question forestière hante le premier Sommet de la Terre (Rio de Janeiro, 1992). Pour beaucoup de personnes, la déforestation exprime le caractère non-durable d’une société humaine. Néanmoins, à Rio, l’idée d’une convention mondiale sur les forêts à caractère contraignant est rejetée par de nombreux pays du sud ; le Brésil, notamment, refuse que son développement soit brimé par des injonctions écologistes venues de l’Occident.
La question forestière n’en demeure pas moins présente dans plusieurs grands documents issus du Sommet de la Terre. Une « déclaration de principes non juridiquement contraignante, mais faisant autorité pour un consensus mondial sur la gestion, la conservation et le développement durable de tous les types de forêts ». Encore connue sous le nom de « principes forestiers », cette déclaration s’apparente à une charte générale, énonçant un ensemble de principes de bonne gestion, à laquelle adhèrent les différents pays. Cette déclaration consacre la souveraineté des États en matière forestière. Les forêts figurent également dans le Protocole de Kyoto, où elles sont envisagées comme un puits potentiel pour la fixation des gaz à effet de serre, en particulier le dioxyde de carbone. Elles sont également mentionnées dans la convention mondiale sur la désertification. Cependant, cette convention n’a suscité à ce jour qu’une faible mobilisation. Enfin, la Convention sur la diversité biologique leur accorde une place significative, au travers notamment des forêts humides de la zone intertropicale.
2. Initiatives intergouvernementales
Depuis la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (CNUED, 1992), la plupart des pays se sont dotés de politiques et de législations forestières ou les ont modernisées, en intégrant les trois dimensions de la durabilité (aspects économiques, écologiques et socioculturels).
Principes, critères et indicateurs : des instruments juridiquement non contraignants
Le premier sommet de la Terre a donné lieu à la création d’un groupe d’experts sur les forêts (FNUF : Forum des Nations Unies sur les Forêts), homologue modeste du GIEC (Groupe d’experts internationaux sur le climat). Les experts gouvernementaux réunis dans ce Forum ont recommandé de faire appel à des critères et indicateurs, afin de donner corps à la notion de gestion durable des forêts.
Critères et indicateurs doivent permettre de suivre les progrès accomplis par un pays en matière de durabilité, et de faire des comparaisons entre pays. Officiellement, ces outils visent à renforcer la volonté politique et les actions en faveur de la gestion forestière durable.
Une régionalisation du travail de définition des critères et indicateurs
L’immensité des surfaces concernées (les forêts couvrent un quart des surfaces émergées, soit quelque quatre milliards d’hectares) et la variété des conditions biogéographiques conduisent les experts gouvernementaux à proposer une régionalisation du travail. Pas moins de sept processus intergouvernementaux, chacun correspondant à une grande aire géographique et forestière vont être chargés de prendre le relais (Figure 3.2.3.13).
Crédits
Légende
Les représentants de l’administration forestière française siègent au sein du processus paneuropéen, qui réunit 40 pays de l’Europe géographique.
Principaux domaines de la gestion durable des forêts
Classiquement, dans ces processus, la gestion durable est appréhendée au travers de grands thèmes ou « critères », à savoir :
- L’étendue des ressources forestières (d’un pays, d’une région)
- La diversité biologique présente dans les forêts
- La santé et la vitalité des forêts
- Les fonctions productives des ressources forestières (produits ligneux et non ligneux)
- Les fonctions protectrices des ressources forestières (lutte contre l’érosion, protection des sols et de l’eau, lutte contre les risques d’avalanche ou d’éboulement en zones de montagne)
- Les fonctions socioéconomiques (emploi, accueil du public, autres aménités…).
Complément
Indicateurs quantitatifs des différentes fonctions des forêts
Chaque pays - voire chaque région forestière - est ainsi invité à décliner ces critères et indicateurs en rapport avec ses propres caractéristiques forestières (cf. Les indicateurs de gestion durable des forêts françaises, Ministère de l’Agriculture, Edition 2000).
Exemple :
Les indicateurs du processus paneuropéen relatifs au critère « Diversité biologique dans les forêts » :
i1- Surface des forêts naturelles ou semi-naturelles
i2- Surface des espèces exogènes
i3- Volume de bois mort
i4- Surface gérée pour la conservation et l’utilisation de ressources génétiques
forestières
i5- Nombre d’espèces forestières menacées
i6- Surface de forêts protégées au titre des paysages, d’éléments naturels ou de
la biodiversité.