Une alternative de plus en plus souvent mise en avant pour réguler les problèmes de pollutions est la mise en place de marchés de droits à polluer. Cette approche a été proposée par des économistes comme Dales (1968), pour que les entreprises intègrent le prix de l’effet externe négatif (le coût externe) dans les calculs fondant leurs décisions de production (et de pollution). Elle s’appuie sur l’analyse selon laquelle les externalités découlent de l’absence ou de la mauvaise définition des droits de propriété sur les biens. Le principe consiste à définir une quantité de pollution maximale acceptable, puis à la répartir initialement entre les agents économiques à l’origine des pollutions, en leur attribuant des permis d’émission de polluants en quantités limitées. Le mécanisme de marché permet ensuite aux agents de s’échanger les permis de pollution qui leur ont préalablement été attribués (à titre gratuit ou à titre payant) par l’Etat. Ce dernier fixe la quantité totale des droits à polluer (l’offre de droits est constante) ; ce niveau devrait en principe correspondre au niveau optimal de pollution dans l’économie. Le prix unitaire d’équilibre d’un droit à polluer se fixe au niveau du coût marginal de réduction de la pollution pour l’ensemble des entreprises pollueuses, ce qui permet d’atteindre l’objectif de pollution optimale (figure 22 infra).

Figure 22 : L’internalisation par le marché de droits à polluer

L’avantage de cette approche est que chaque entreprise va chercher à égaliser son coût marginal de dépollution (qui diffère souvent d’une entreprise à l’autre en raison, par exemple, de différences dans les technologies de production) avec le prix du droit à polluer, et déterminer ainsi le niveau de pollution optimal pour elle, et le nombre de droits à polluer correspondant. Les entreprises s’échangeront ensuite ces droits entre elles, selon leurs besoins. Les entreprises qui sont les plus performantes pour réduire la pollution associée à leur production (c'est-à-dire celles qui ont un coût marginal de réduction de la pollution plus faible que les autres) vendront les droits qu’elles n’utiliseront pas à celles qui sont les moins performantes. Le volume global de la pollution est ainsi assuré tout en tirant parti de la plus grande capacité de certaines entreprises à réduire la pollution à moindre coût, ce qui permet de minimiser le coût global de lutte contre la pollution. Ce résultat ne pouvait pas être obtenu par les normes ou les taxes, pour des raisons de faisabilité en pratique. Pour que ce système soit efficace, il est cependant nécessaire qu’un nombre suffisant d’entreprises participent au marché de droits à polluer pour que celui-ci puisse être considéré comme un marché concurrentiel.
Remarque
Bien qu’il ne soit pas nécessaire de connaître le détail des fonctions de coûts de dépollution des entreprises dans un système de marché de droits à polluer, les autres limites évoquées à propos des mesures alternatives de lutte contre les pollutions concernent également cette approche. Il s’agit en particulier de la difficulté à évaluer le niveau de pollution optimale. Il s’agit également des problèmes rencontrés pour contrôler la pollution effectivement émise par chacune des entreprises, et ainsi de rendre les droits d’émission crédibles.