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D’abord la conscience de l’ampleur du défi qui se présente à nous en termes de climat, percole de plus en plus rapidement dans le public, et apparemment plus rapidement dans le public que dans les cercles de décision ; nous avons dans ce contexte une chance avec le problème que nous pose aujourd’hui la question pétrolière : il devient pour les deux raisons plus risqué de ne rien changer que d’évoluer.
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Ensuite, nous mettons en œuvre une complexité et des échéances qui vont requérir absolument toutes les disciplines. Nous pourrions appeler cela, avec un peu de malice, la revanche des scientifiques et des ingénieurs sur les financiers. Mais c’est aussi aux politiques et aux citoyens que s’adresse la question. L’organisation des territoires, la robustesse institutionnelle et sociétale, la répartition des progrès à faire, sont des questions qui se posent à nous tous et maintenant. Il s’agit d’un enjeu de fiabilité, de robustesse de nos sociétés. En effet, lorsqu’un territoire n’est pas capable de se relever rapidement soit de fortes fluctuations du prix de l’énergie, soit de dégâts climatiques, il est moins attractif parce qu’il fonctionne moins bien. L’inertie des systèmes commande d’agir maintenant : lorsque nous construisons une infrastructure, c’est pour un siècle et demi au bas mot ; lorsque nous construisons un bâtiment, c’est pour un siècle au moins ; lorsque nous construisons une usine c’est pour 40 ans. Nous devons donc changer nos critères de décision maintenant, en fonction du monde dans lequel nous allons vivre et qui n’a pas grand-chose à voir avec celui dont nous venons, sauf que nous en héritons quelques technologies que nous pouvons déjà appliquer
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L’efficacité énergétique sera un paramètre clef du siècle à venir parce qu’il s’agit de la marge de manœuvre dont nous disposons tout de suite et qui est au pire partiellement récupérable en termes de dépendance et de facture.
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Les énergies renouvelables sont absolument incontournables, mais pas n’importe comment : si vous voulez faire des agri-carburants façon agriculture intensive classique, avec des engrais qui font 55 % du bilan énergétique et beaucoup de phytosanitaires, vous allez enlever beaucoup plus de carbone et de fertilité des sols et accroître davantage la vulnérabilité territoriale que vous n’allez gagner de CO2 en transfert pétrole-éthanol ou pétrole-diester.
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Les marges de manœuvre existantes « gagnant-gagnant » supposent des conversions nécessaires pour certains acteurs économiques mais nous avons déjà des moyens considérables d’action et d’innovation.
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La bonne nouvelle aussi est que ce facteur 4 nous amènera vers un monde vraisemblablement plus riche et moins violent qu’un scénario tendanciel.
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Enfin, nous avons un peu perdu de vue ce besoin de continuité et de cohérence des politiques sur plusieurs décennies depuis une vingtaine d’années parce que les systèmes économiques ont un peu pris l’habitude de se caler sur le pas de temps de la finance. Objectivement, la mondialisation financière est un fait de notre organisation économique et elle influe énormément sur les rythmes et les perspectives. Beaucoup de chefs d’entreprises souffrent de cette situation récente parce qu’elle les empêche d’avoir des stratégies industrielles à moyen terme. Nous avons besoin de continuité d’action sur plusieurs décennies et il s’agit au fond d’un pas de temps connu des gestionnaires de territoires et des industriels, au-delà des derniers 20 à 30 ans.