Quelques éléments de notre environnement vont peut-être nous amener à être plus sages que notre pente tendancielle culturelle ne nous y conduirait. Un premier est le comportement des assureurs : les réassureurs commencent à considérer que Katrina leur ayant coûté deux fois plus cher que l’attentat du 11 septembre, il n’est pas question que cela continue avec les mêmes règles. Et ils commencent à agir en tant qu’assureurs des entreprises et des collectivités d’une part, en tant qu’actionnaires d’autre part..
Le deuxième élément, c’est la finance. Vous savez qu’un marché de permis négociables a été instauré, et à la plus grande échelle en Europe. Ce nouveau marché constitue un objet intéressant pour la finance, et elle a montré à Montréal fin 2005 qu’elle souhaitait que cela dure. Or l’existence de tes marchés est liée à l’imposition par les états de niveaux obligatoires de réduction d’émission de gaz à effet de serre pour les opérateurs de des marchés, aujourd’hui les grandes entreprises industrielles, demain l’aérien, puis sans doute d’autres secteurs ; le monde de la finance souhaite donc une pérennisation et un renforcement de ces impositions de quotas d’émissions, si possible dans tous les pays du monde, et pas seulement les pays industrialisés.
Le troisième élément à nous « motiver » est le prix du pétrole.
Ce graphique émanant d’une société pétrolière montre que nous avons connu le pic des découvertes pétrolières dans les années 60 et le pic des découvertes gazières dans les années 70. Les découvertes postérieures ne nous ont pas permis de retrouver des gisements, pétrole ou gaz, qui soient de l’ordre de grandeur de ce que nous avions trouvé avant.
Crédits
Exxon Mobil 2002 (http://www.exxonmobil.com)
Légende
Découvertes et consommations d’hydrocarbures
Or nous ne consommons que le pétrole que nous avons découvert. En outre, le rythme des découvertes de pétrole est déjà inférieur au rythme d’augmentation de la consommation depuis 1980 ; même chose pour le gaz depuis 1990. Enfin, depuis les travaux de Hubbert, géologue pétrolier américain, nous savons que le pic de production (c'est-à-dire le moment où quelqu’argent que vous dépensiez dans les forages, la production des puits se réduit) advient environ une trentaine d’années après le pic des découvertes. Ce qui fait que nous n’ayons pas encore connu le pic du pétrole bien que le pic des découvertes ait eu lieu en 1960 semble être… les chocs pétroliers des années 70, qui ont fait baisser la consommation des pays industrialisés et ont repoussé le pic ; d’un point de vue géologique, ce dernier arrive néanmoins à un moment ou à un autre.
En fait, avec une politique « facteur 4 » de réduction des émissions de gaz à effet de serre, nous parviendrions aussi à repousser plus loin ces pics. Les estimations des ultimes réserves de pétrole sont restées entre 2 500 et 3 500 milliards de barils depuis les années 1950. Aujourd’hui, d’après les géologues des compagnies pétrolières, est exploité de l’ordre de 30 % de la ressource ; 50 % serait atteignable en augmentant les prix, mais pas plus car le reste est trop imprégné dans la roche pour être semble-t-il extrait.
Crédits
Communiqué de presse de l’association ASPO, Uppsala, 2002
Légende
Différentes prévisions pour la production mondiale de pétrole
La discussion sur l'échéance de ce pic pétrolier ne porte donc pas sur l’épuisement du pétrole en réserve, mais sur le moment où le "robinet" qui fait couler le pétrole aura un débit quotidien moindre que la "bonde" de notre consommation. Pour certains, plutôt des géologues, ce moment est arrivé ; pour les plus optimistes, plutôt des économistes, ce sera vers 2030, mais en tout état de cause, aux rythmes de consommation actuels, ce n’est même pas une question de demi-siècle. En outre, les réserves de pétrole sont très inégalement réparties, vous le savez : aux problèmes purement physiques et quantitatifs se conjuguent donc les interrogations géopolitiques d’accès aux ressources.