Les principales questions de recherche aujourd’hui
Quelles sont les principales questions à la recherche aujourd’hui ?
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D’abord jusqu’où pouvons-nous stocker le gaz carbonique de manière sûre ? Par exemple, le mélange CO2+H2S est très réactif sur les ciments qui obturent les anciens puits de pétrole et de gaz ; les mines de charbon sont en général faillées, les aquifères salins doivent être examinés, dissoudre davantage de CO2 dans les océans accélèrerait plutôt le processus climatique etc. Pour l’amont, c’est-à-dire la capture du gaz carbonique avant stockage (ou réutilisation éventuelle), les dispositifs permettant de s’adapter aux centrales actuelles et produisant des gaz très purs seront précieux au regard de la vitesse à laquelle nous devons agir (voir schéma ci-dessus).
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Ensuite, jusqu’où pourrons-nous stocker l’électricité ? Cette voie constitue la principale marge de manœuvre des transports électriques et des énergies renouvelables intermittentes comme l’éolien et le solaire, qui ont par ailleurs l’avantage considérable d’être des énergies qui ne s’accaparent pas, contrairement même à l’eau : quelqu'un peut se déclarer propriétaire d’un gisement de pétrole, mais personne ne se déclarera propriétaire du soleil. Les énergies renouvelables sont une brique importante de la robustesse des systèmes énergétiques.
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Stockage et distribution du vecteur hydrogène : nous savons produire l’hydrogène (mais nous devons évidemment le faire en ne produisant pas trop de CO2 !), et il faut ensuite le stocker et le distribuer. Il s’agit d’une molécule très petite, qui diffuse, s’enflamme, explose… elle représente également une marge de manœuvre possible pour les systèmes de transport, en concurrence avec l’électricité.
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Nucléaire : les réacteurs existants posent des problèmes notamment de déchets, de prolifération et de sécurité intrinsèque. La génération suivante permettra peut-être de résoudre ces questions, mais ces réponses seront fournies d’ici 15 à 20 ans, avec une industrialisation possible vers 2030. En 2030, les dés seront jetés pour une bonne part de nos marges de choix de scénario climatique.
Ces diverses considérations ne signifient pas que la recherche ne sert à rien et que nous n’aurons pas besoin de ces techniques mais elles montrent que nous ne pouvons pas nous dispenser de généraliser ce que nous saurions déjà faire pour les 10 à 30 ans qui viennent.
Problème difficile : les transports longue distance. S’agissant des transports terrestres à courte distance, l’électricité par exemple pourrait remplacer le pétrole, soit en individuel soit en collectif. Mais remplacer le kérosène pour les avions n’est pas pour tout de suite. Le maritime est efficace énergétiquement, mais c’est surtout lui qui a grimpé avec les échanges internationaux ; c'est pourquoi on repense à des voiliers rapides. S’agissant du transport routier longue distance, le pétrole devrait rester encore au moins deux décennies majoritaire, par rapport à un réseau fret électrique à basse émission de CO2, ce qui illustre les limites de la technologie et le recours nécessaire à des réorganisations logistiques dans la production et la consommation.
Autre question : la robustesse institutionnelle et sociétale. Nous venons d’évoquer des technologies facilitantes à échéance de 20 à 40 ans. Entre temps, nous devrons nous adapter à des modifications climatiques et à des tensions énergétiques à techniques existantes. Or ce n’est pas la même chose de gérer une société avec des réserves d’énergies abondantes et de gérer une société avec des tensions énergétiques et des prix fluctuants. Comment organiser les institutions et la société de manière à passer cette période de transition sans trop de danger, notamment pour la démocratie ?
Illustrons ici avec le cas des transports la notion d’inertie des systèmes. Selon l’Ademe, à partir du moment où arrive une nouvelle technologie automobile, il faut 13 à 15 ans en France pour équiper la moitié du parc et 24 à 25 ans pour équiper sa totalité. Si nous parlons donc de stockage électrique ou d’hydrogène qui arriverait au stade industriel par exemple vers 2020, en 2035 seule la moitié du parc sera équipée. Cela ne veut pas non plus dire que nous n’en n’aurons pas besoin ; cela veut dire que nous ne pouvons pas attendre 2035 pour agir si nous voulons rester à 2°C de plus seulement en température globale (soit +3°C en France).